À l’automne 2018, lors des mobilisations des « gilets jaunes », les émissions de gaz à effet de serre (GES) des plus riches sont devenues un objet politique. Des chiffrages, hasardeux pour un œil averti, ont été produits et ont rapidement circulé, sans regard critique ni sur les conditions de leur production ni sur les univers de sens qu’ils véhiculent. Brandis comme une évidence par des personnes respectables, ces chiffres avaient pour fonction de montrer, au-delà du doute, le caractère inique de la taxe carbone, manière hâtive mais aujourd’hui consacrée d’expliquer une mobilisation portée au départ contre la hausse du prix des carburants. Le propos ici n’est pas de juger du caractère juste ou injuste de la taxe carbone, mais de s’interroger sur ce que signifie mesurer les émissions des plus riches et de proposer quelques ordres de grandeur. Il reprend les résultats d’une étude extensive parue fin 2020.
Commençons par une évidence. Les émissions de GES ne sont pas le fait de personnes mais le fait de processus biochimiques d’origine naturelle ou industrielle : combustion du charbon, décarbonatation du calcaire, fermentation entérique, dénitrification incomplète des engrais azotés, etc. Pour relier ces processus à des unités sociales (États, entreprises, groupes sociaux, personnes), il faut sélectionner des entités pertinentes parmi toutes celles reliées à ces processus et définir les règles qui leur imputent les émissions correspondantes. Toute analyse des émissions suppose donc le choix de telles conventions d’attribution. Pour les émissions d’origine fossile, on peut choisir les entreprises extractrices comme entités pertinentes (comme le propose Richard Heede). On peut aussi choisir d’attribuer les émissions au territoire sur lequel ont l...