“Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2013”, OCDE, 2013, 296 p.
Ce rapport dresse un constat sombre de la persistance de niveaux élevés de chômage et des difficultés de retrouver un emploi, surtout stable et suffisamment rémunéré, à cause de la récession dans la zone euro, du ralentissement des économies émergentes et de la faible reprise économique dans d’autres pays. Cette situation a accru les disparités sur le marché du travail, affectant surtout les travailleurs à bas salaires et peu qualifiés, alors que les pouvoirs publics voient leur marge de manœuvre budgétaire rétrécir face aux besoins accrus de protection sociale des personnes les plus vulnérables.
Pour faire face à cela, l’OCDE préconise en priorité la garantie de revenus adéquats aux plus nécessiteux, associée à des politiques d’activation qui encouragent les chômeurs à reprendre un travail par des incitations à améliorer leur employabilité (formation, orientation, aide à la recherche d’emploi), en réduisant les obstacles, parmi lesquels la « générosité » supposée des prestations sociales, la « rigidité » de la législation protectrice de l’emploi, et l’amélioration des services sociaux et de l’emploi, notamment par leur fusion en un « guichet unique » – qui aurait fait ses preuves au Royaume-Uni, en Finlande, en Irlande, en Suisse et en Australie -, par des partenariats public-privé, y compris avec des organisations à but non lucratif, et par une meilleure définition des objectifs et des critères d’évaluation des performances des services de l’emploi.
La situation de l’emploi des différents groupes socio-économiques depuis le début de la crise en 2008 s’est surtout dégradée pour les jeunes, les hommes peu ou moyennement qualifiés, et les femmes – à l’instar des grandes récessions précédentes. En revanche, les travailleurs âgés – notamment les femmes – font figure d’exception, leurs taux d’emploi et d’activité ayant évolué de manière plus positive qu’auparavant grâce à l’amélioration de leur niveau de formation, à leur meilleur état de santé, à l’adaptation des postes et des tâches qui a rendu le travail plus accessible aux seniors, et au report de l’âge de départ à la retraite, déjà amorcé avant la crise, suite aux réformes des retraites qui ont accru les incitations à travailler à un âge plus avancé et pénalisé les départs précoces, limitant aussi l’accès aux prestations d’invalidité ou de chômage. S’y ajoutent les pertes de revenu, de patrimoine immobilier ou de l’épargne retraite du fait de la crise financière (Espagne, Irlande et États-Unis).
Ce décalage entre jeunes et seniors s’est-il fait aux dépens de l’emploi des jeunes ? Le rapport récuse cette hypothèse en s’appuyant sur des données récentes selon lesquelles « les hausses du taux d’emploi des seniors vont de pair avec des hausses du taux d’emploi des jeunes ou bien n’ont aucun effet sur celui-ci ». De plus, le vieillissement démographique rapide met en danger la viabilité des systèmes de retraite et hypothèque la générosité future des prestations, ce qui plaide pour l’accroissement des taux d’emploi à tout âge, particulièrement des jeunes et des seniors. Cette approche requiert un rééquilibrage du marché du travail devenu dual, car protégeant les salariés ayant un emploi permanent aux dépens des travailleurs précaires, dont le nombre va croissant à la faveur de la flexibilité du marché du travail et de la compétitivité. Depuis 1990, nombre de pays ont amplement déréglementé le travail temporaire ou à durée déterminée et, depuis 2008, la législation sur les licenciements individuels et collectifs. Le rapport met en garde contre les effets délétères de ce dualisme sur l’efficience autant que l’équité.
Le rapport analyse les principales stratégies d’« activation » des chômeurs et des inactifs dans sept pays (Irlande, Norvège, Finlande, Suisse, Japon, Australie et Royaume-Uni). Avant la crise, ces pays affichaient tous des performances relativement satisfaisantes en matière d’emploi, avec un taux d’emploi plus élevé et un chômage plus bas que la moyenne de l’OCDE. Tous, à l’exception de l’Irlande, ont aussi assez bien surmonté la crise, mais le vieillissement démographique et des problèmes spécifiques à leur marché de travail demeurent. À l’évidence, il n’existe pas de solution unique et efficace qui, d’ailleurs, s’applique rarement de façon identique d’un pays à l’autre.
Le rapport contient, enfin, des éléments nouveaux sur les effets de pertes d’emploi pour des raisons économiques et les effets sur les revenus d’activité ultérieure et autres aspects de la qualité de l’emploi, signalant aussi la situation des catégories de travailleurs les plus exposés aux licenciements, pour qui les conséquences s’aggravent avec la durée et la fréquence des épisodes hors emploi, et la dépréciation consécutive de leurs compétences – notamment les femmes, les travailleurs âgés et les personnes peu qualifiées – qui risquent de quitter complètement le marché du travail. La priorité de l’action publique devrait être l’aide au retour à l’emploi de ces personnes, par des services de placement ou de reconversion, surtout en cas de licenciement collectif dans les petites et moyennes entreprises (PME).
Ce rapport apporte des éléments utiles sur le potentiel et les limites des politiques d’activation pour aider les demandeurs d’emploi à retrouver du travail. Néanmoins, il aborde à peine le problème macroéconomique majeur de la faiblesse de la demande, et ne fait aucune recommandation à cet égard. Or, à l’évidence, la poursuite de mesures d’austérité dans un contexte économique récessif, la faiblesse de l’investissement dans l’économie réelle et la difficulté d’accès des PME au crédit condamnent à l’échec toute politique de relance qui pourrait créer des emplois, et limite drastiquement le rôle des stratégies d’activation…