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Pour un revenu de transition écologique

Analyse de livre

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SWATON Sophie, “Pour un revenu de transition écologique”, Presses universitaires de France, janvier 2018, 192 p.

Sophie Swaton est philosophe et économiste, elle enseigne à l’université de Lausanne en tant que maître d’enseignement et de recherche en philosophie économique et en durabilité opérationnelle. Son ouvrage Pour un revenu de transition écologique analyse les atouts et limites du désormais relativement connu revenu de base inconditionnel (RBI). À partir de là, l’auteur propose un revenu de transition écologique (RTE), plus en phase avec les enjeux sociaux et environnementaux de notre temps selon elle.

Bien que le principe d’un revenu de base date de plusieurs siècles – en témoignent par exemple déjà Thomas More au XVIe siècle ou, plus concrètement, le penseur libéral Thomas Paine en 1796 -, il a traversé les siècles en étant approprié tant par des utopistes libertaires que par les économistes les plus libéraux, voire des personnalités médiatiques telles qu’Elon Musk aujourd’hui. Désormais, il donne lieu à des expérimentations comme en Finlande [1] ; et en France, un rapport du député Christophe Sirugue, Repenser les minima sociaux : vers une couverture socle commune, fut remis en 2016 au Premier ministre.

Le premier chapitre de l’ouvrage de Sophie Swaton détaille les arguments en faveur du RBI, ayant connu un regain d’intérêt à partir des années 1990. Dans le chapitre suivant, les arguments renouvelés en faveur du RBI sont passés au crible. Enfin, le troisième chapitre termine l’analyse du RBI sous l’angle éthique, avant de passer, dans le dernier tiers de l’ouvrage, à la proposition de RTE.

Mobilisant une abondante littérature, l’analyse des arguments en faveur du RBI faite par Sophie Swaton illustre de grandes disparités d’objectifs et de priorités assignés à un tel outil ; de la liberté de travailler à la protection contre les évolutions du marché de l’emploi par exemple. De ce cadre de réflexion des années 1990 d’abord social, la question écologique est absente. Elle brille par son absence dans le débat jusqu’aux dernières années. Et la discussion reste encore polarisée et parfois contradictoire : certains assignent au RBI l’objectif de relancer l’économie via la consommation intérieure, d’autres au contraire espèrent un dépassement de la société de consommation.

Concernant les limites du RBI, s’appuyant notamment sur les travaux autour de la capability (ou capacité) au sens d’Amartya Sen, prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, Sophie Swaton rappelle que la pauvreté est multidimensionnelle et pas seulement une question de revenus : « les plus précaires ne demandent pas la charité ». Elle correspond à un cumul de handicaps économiques, sociaux et culturels, et l’on ne peut donc se satisfaire d’une assistance monétaire seulement curative. Ce point est une des bases de la proposition de RTE qu’avance par la suite Sophie Swaton.

Dans le dernier chapitre, elle formule sa proposition de revenu de transition écologique avec donc un double objectif : répondre à certaines critiques ou limites du RBI, et être à la hauteur des enjeux du XXIe siècle, où l’impératif écologique ne peut plus être ignoré, en plus des évolutions du travail, de la place du numérique et des nouvelles inégalités.

Sophie Swaton propose une analyse pragmatique, qui s’appuie sur les institutions et dispositifs existants afin de pouvoir mettre le RTE en place immédiatement et de manière progressive. Quitte à n’impliquer que certaines personnes dans un premier temps. Le RTE serait ainsi conditionné à certains critères, et notamment à l’exercice d’une activité environnementale ou sociale. En outre, dans l’esprit de l’auteur, il ne se substitue pas à des dispositifs sociaux existants mais les complète et s’y ajoute. Il n’est donc pas susceptible d’être le cheval de Troie du néolibéralisme en se faisant au détriment de tous les autres dispositifs sociaux existants, comme certains le craignent pour le RBI. L’accompagnement des personnes qui s’engagent et expérimentent le RTE dans des activités sociales ou environnementales est un point important pour dépasser la logique purement monétaire et travailler sur les questions de capability de ces personnes. Enfin, l’adhésion des bénéficiaires à des structures démocratiques comme les coopératives ou associations est nécessaire et permet notamment de partager leurs expérimentations.

Le pragmatisme est incontestablement un atout du RTE proposé par l’auteur… et en même temps une de ses limites puisqu’il ne concernerait que certaines personnes et ne touche pas forcément immédiatement au système et aux logiques économiques dominantes. On peut se demander si les critiques formulées à l’endroit du RBI, voulant « changer le paradigme socio-économique en prétendant maintenir le système actuel », ne valent pas pour le RTE dans une certaine mesure. Ce dernier a toutefois l’important mérite de rappeler les dimensions multiples de la pauvreté, les enjeux environnementaux et démocratiques auxquels nos sociétés sont désormais confrontées, et d’esquisser une piste de solution.



[1] Sur le sujet, voir aussi l’interview de Yannick Vanderborght, « Revenu universel : que retenir des expérimentations déjà menées ? », publiée par Futuribles International le 6 septembre dernier. URL : https://www.futuribles.com/fr/article/revenu-universel-que-retenir-des-experimentations-/. Consulté le 17 septembre 2018 (NDLR).

#Revenu minimum #Transition écologique
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