On prétend souvent que les Européens se désintéressent de la politique. P. Bréchon, en distinguant, d’une part, la politisation (intérêt porté à la vie politique vs. jugement porté sur les hommes et les partis), d’autre part, le degré de participation à la vie sociale et politique (vs. la simple participation électorale), montre qu’il n’en est rien. Bien que la politique n’apparaisse pas parmi les valeurs les plus importantes, l’intérêt porté aux questions politiques (politisation généralement plus forte dans les pays de tradition protestante plutôt que catholique) augmente à mesure que s’élèvent notamment les niveaux d’éducation et les revenus.
Tout autre est le problème de la participation à la vie publique. La participation électorale et le taux d’adhésion aux partis politiques sont certes stagnants, l’adhésion aux organisations religieuses déclinante et la syndicalisation en baisse (avec toutefois d’importantes différences suivant les pays). Essentiellement, affirme P. Bréchon, en raison de la volonté de nos contemporains de “penser par eux-mêmes” plutôt que de s’inféoder à une institution.
Mais la participation active – manifestation directe de ses opinions au travers de pétitions, manifestations … -, en revanche, augmente sans que l’on puisse pour autant conclure qu’elle viendrait compenser un quelconque discrédit des grandes institutions (armée, police, entreprise).
Non seulement la vie politique intéresse de plus en plus les Européens, moins captifs cependant du “prêt à penser dans lequel les individus se couleraient de manière mécanique”, mais le clivage gauche-droite, même si les idéologies sont plus floues et poreuses qu’autrefois, conserve un sens, les uns étant plus attachés à un “humanisme et à un idéalisme démocratique”, les autres ayant une “orientation plus réaliste et gestionnaire”. Tout se passe au fond, explique P. Bréchon, comme si les citoyens plus éclairés et épris de liberté, étaient non pas moins impliqués, mais moins moutonniers.
Les Européens et la politique
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 200, juil.-août 1995