S’il est banal, lorsque l’on traite de l’évolution des valeurs, de souligner la montée de l’individualisme, la première originalité du texte d’Etienne Schweisguth est d’en définir le sens par le primat accordé à l’individu alors que, dans la tradition, celui-ci était subordonné à un ordre supérieur. Aussitôt, toutefois, l’auteur introduit une différence entre l’individualisme particulariste (le “chacun pour soi”) et l’individualisme universaliste (ego reconnaissant le bien-fondé de valeurs collectives).
La seconde orginalité de ce texte est de démontrer comment, en distinguant les évolutions liées aux effets d’âge, de période et de renouvellement des générations, l’on peut distinguer quelles sont les tendances à long terme de celles à caractère plus conjoncturel.
Partant des données recueillies sur douze questions révélatrices du degré de permissivité, E. Schweisguth montre que :
– celle-ci s’accroît systématiquement au fur et à mesure du renouvellement des générations ;
– mais que celle-ci, au fil du vieillissement, évolue de manière différente selon les questions de sorte que l’on voit se développer, par vagues successives se propageant différemment suivant les âges, un individualisme particulariste et un individualisme universaliste.
Poursuivant cependant sa réflexion sur les ressorts du changement, l’auteur explore les effets comparés de l’âge et du niveau d’instruction pour montrer finalement que, suivant les questions, l’un et l’autre n’exercent pas la même influence mais que, malgré tout, le progrès des connaissances contribue à l’essor de l’humanisme.
Enfin, indique E. Schweisguth, des différences sensibles apparaissent entre pays : l’individualisme des pays scandinaves se doublant d’un civisme n’ayant point d’équivalent ailleurs. En outre, apparaît une différence de culture entre, d’une part, les pays de tradition protestante, qui sont plus individualistes, et ceux de tradition catholique plus traditionnels, différence ne signifiant pas nécessairement divergence : tous les pays européens enregistrant un essor de l’individualisme – plus rapide d’ailleurs dans les pays en retard sans toutefois que l’effet de rattrapage réduise rapidement les écarts et que nous puissions conclure à la convergence future vers un modèle individualiste européen monolithique et faisant fi de tout altruisme -.
La montée des valeurs individualistes
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 200, juil.-août 1995