Dire que le changement s’accélère, c’est dire que par unité de temps (année ou législature) il se présente plus de problèmes nouveaux, c’est dire que la pression exercée sur les responsables par les questions qui appellent décision, va croissant avec le temps : il paraît naturel et même raisonnable, en pareil cas, que les questions soient prises dans un ordre dépendant de leur urgence. Pratique dont le vice apparaît dans les résultats. Chaque problème n’étant inscrit à l’agenda que lorsqu’il s’y impose comme devenu « brûlant » les choses sont alors à ce point que, comme on dit aux échecs, « le coup est forcé ». Il n’y a plus de choix possible entre différentes actions destinées à modeler une situation encore flexible, actions déterminantes, il n’y a plus qu’une réplique d’avance déterminée à un problème « encerclant » et qui ne laisse qu’une issue. Les dirigeants du moment obéissent à la nécessité, et se justifieront après coup en disant qu’ils n’avaient pas le choix de décider autrement. Ce qui est vrai, c’est qu’ils n’avaient plus le choix, et c’est tout autre chose : car, s’ils peuvent être exemptés de blâme quant à la décision, en effet devenue inévitable, ils ne sauraient l’être pour avoir laissé aller la situation jusqu’au point qui leur ôtait toute liberté de choix. C’est précisément la preuve de l’imprévoyance que l’on tombe sous l’empire de la nécessité, et le moyen qu’il n’en soit pas ainsi est de prendre connaissance des situations en formation tandis qu’elles sont encore modelables, avant qu’elles n’aient pris forme impérieusement contraignante. Autrement dit, sans activité prévisionnelle, il n’y a pas effectivement de liberté de décision.
Le forum prévisionnel
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 108, mars 1987