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Arabie Saoudite post-pétrole : gageure ou mirage ?

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André Giraud, spécialiste français du secteur énergétique, ancien ministre de l’Industrie pendant le deuxième choc pétrolier et ancien ministre de la Défense, avait coutume de lancer cette boutade : « Le pétrole est une matière première qui a un fort contenu diplomatique et militaire, un contenu fiscal important et, accessoirement, un pouvoir calorifique [1]. » À la lumière de ce propos, on comprend pourquoi la seule évocation de l’ère de l’après-pétrole au sein du pays qui en possède les premières réserves mondiales constitue une véritable révolution géopolitique.

Un maître et un instrument : l’or noir

Le royaume saoudien est le premier acteur à souffrir de la chute du prix du pétrole brut [2]. Mais cette souffrance est volontaire car c’est le pays lui-même qui maintient ce prix bas. Cette situation a priori paradoxale correspond à un choix résolu des dirigeants saoudiens [3] de défendre les parts de marché de leur pays doublement menacées par l’exploitation des pétroles de schiste aux États-Unis et le retour de l’Iran dans les échanges pétroliers internationaux [4]. Ce choix a eu un impact direct sur les finances saoudiennes et, pour comprendre la mesure de l’effort consenti par le royaume dans ce bras de fer pétrolier qui affecte toute l’économie mondiale, il faut se souvenir que, de 2006 à 2015, les recettes du pétrole ont toujours pesé entre 75 % et 90 % du budget national saoudien. La baisse des recettes pétrolières s’est conjuguée au niveau élevé de dépenses publiques [5] et a donc plongé le pays dans un déficit budgétaire important. Le royaume est donc désormais contraint de puiser dans ses réserves de change pour maintenir ses dépenses « de développement », dont dépend en grande partie la paix sociale intérieure depuis les révoltes arabes de 2010 [6].

Ce déséquilibre budgétaire conjoncturel a été sanctionné par les agences de notation [7] sans que cela n’empêche pour autant le pays d’effectuer aisément, le 19 avril 2016, sa première levée de dette depuis 1991 [8]. Celle-ci a été suivie, le 25 avril, par le lancement d’un plan ambitieux [9] visant à transformer en profondeur les fondamentaux énergétiques [10], économiques et sociétaux du pays. Le cap de cette « Vision 2030 », structurée avec le soutien de consultants étrangers [11], a été ...

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