En France, les questions liées à la jeunesse semblent récurrentes à chaque échéance électorale importante, notamment concernant ses valeurs et engagements politiques et leurs spécificités, réelles ou supposées. Le spectre de l’abstention de plus en plus importante des jeunes fait notamment craindre une dépolitisation profonde de la jeunesse, voire une fracture générationnelle : en 2017, l’abstention au premier tour des présidentielles était estimée par l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) à 27,8 % pour les 18-24 ans et 31,6 % pour les 25-29 ans, contre 19,7 % en population générale ; en 2022, ces chiffres seraient respectivement de 42 %, 46 % et 26 %. L’abstention a ainsi augmenté pour l’ensemble des catégories d’âge, à l’exception des plus de 60 ans, quoique dans des proportions légèrement moindres.
Un premier constat s’impose, de l’ordre du rappel : derrière les moyennes des grandes enquêtes se cache une pluralité de jeunesses. Alors que la jeunesse, ici les 18-24 ans, est souvent réduite à sa portion étudiante – voire sa frange la plus engagée -, à peine la moitié des Français de cette tranche d’âge sont inscrits dans un cursus du supérieur. La prise en compte de ces fortes inégalités internes permet déjà d’aller au-devant de certaines contradictions apparentes (comme la coexistence de valeurs progressistes d’une part, et l’écho trouvé par l’extrême droite chez certains jeunes).
Le second est qu’il n’y a pas, dans l’ensemble, de dépolitisation des jeunes générations, mais plutôt une « désaffiliation politique [1] ».
Source : Lardeux Laurent et Tiberj Vincent, « La démocratie à l’épreuve de la jeunesse. Une (ré)génération politique ? », Études et recherches, n° 46, mars 2021, INJEP (Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire).
Sur le plan des valeurs, le sociologue Camille Peugny a mis en évidence une convergence assez forte entre les valeurs politiques et sociétales (immigration, confiance en l’Union européenne [UE], enjeux environnementaux, valeurs sociales-libérales) des jeunes générations et celles de leurs parents – la génération à distinguer serait plutôt celle des plus de 60 ans. Le degré de tolérance des 18-24 ans à l’immigration ou leur ...