Lors du forum de Davos, le 25 janvier 2019, l’activiste écologiste Greta Thunberg déclare : « Je ne veux pas de votre espoir. Je veux que vous paniquiez [1]. » Son appel à l’engagement des étudiants pour défendre la planète a conduit à une mobilisation mondiale de jeunes, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. Dans un contexte où s’élèvent de toutes parts les menaces d’effondrement et les survivalistes qui s’y préparent [2], la peur peut-elle être un vecteur d’activisme et de changement ?
En 2017, l’Association psychologique américaine coproduit, avec l’association caritative environnementale EcoAmerica, un rapport mettant en évidence l’impact du changement climatique sur la psychologie humaine [3]. Ce rapport s’ajoute aux voix qui, encore éparses, émergent en Belgique, au Canada ou en Australie pour témoigner de ce nouveau mal : l’éco-anxiété, l’angoisse de voir l’environnement dégradé de manière définitive par les activités humaines. La chercheuse Véronique Lapaige définit pour la première fois l’éco-anxiété en 2011, dans le cadre d’une enquête menée par l’OMS sur les effets du changement climatique sur la santé [4]. Quelques années plus tard, Richard Meyer, psychanalyste français, décrit quant à lui les actes préjudiciables à l’environnement et les réactions pathologiques qui en découlent, sous la notion d’« écolose ».
Malgré ces conceptualisations, aucun chiffre global et admis par la communauté scientifique n’existe aujourd’hui pour démontrer ce phénomène de manière quantitative. Cependant, de plus en plus d’études s’attachent à le théoriser et à l’illustrer. En 2015, le magazine américain Esquire publie une enquête sur les scientifiques spécialistes de l’environnement et du climat. La psychiatre américaine Lise van Susteren y témoigne du nombre croissant de chercheurs atteints de « stress prétraumatique », incapables de dissocier leur travail scientifique de la panique que leurs résultats génèrent en eux [5]. L’ampleur de ce phénomène est encore di...