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L’Énergie de la France. De Zoé aux EPR, l’histoire du programme nucléaire

Analyse de livre

TORRES Félix , DÄNZER-KANTOF Boris, “L’Énergie de la France. De Zoé aux EPR, l’histoire du programme nucléaire”, éd. François Bourin, 2011, 113 p.

Pour tous ceux ou celles qui s’intéressent à l’histoire économique et industrielle, la lecture de cet ouvrage, dossier de haute qualité, s’impose. D’une part il évoque les étapes du développement d’une activité qui s’est déroulée sous nos yeux et auquel – à des titres divers – certains d’entre nous ont participé, ou dont ils ont été témoins. D’autre part il décrit les luttes d’influence entre des organisations comme EDF (Électricité de France) et le CEA (Commissariat à l’énergie atomique), toutes deux pourtant dépendantes de l’État, et entre les groupes industriels concernés, sans oublier des centaines de sous-traitants divers. Enfin, il illustre la tendance nationale à « franciser » les techniques souvent venues d’ailleurs. Il rappelle à cet égard que si les recherches françaises ont été largement neutralisées pendant la Seconde Guerre mondiale, elles ont été importantes avant et après cet « entracte » dramatique, ce qui a permis à la France de se situer sur le plan international à un niveau plus élevé que ses capacités classiques ne l’auraient permis. C’est vrai en matière de défense. Ça l’est aussi s’agissant de l’énergie civile, la France se situant aujourd’hui parmi les grands mondiaux de la production d’électricité de source nucléaire.

Contrairement à une idée assez largement répandue, si le général de Gaulle a largement contribué au développement du nucléaire, il ne l’a pas lancé. Le père du premier programme français a été, entre 1952 et 1957, sous la IVe République, Félix Gaillard. Résistant, très jeune, il est inspecteur des finances à 23 ans, député à 27, secrétaire d’État à 28. Le 5 juillet 1949 il prononce à la Chambre des députés un discours vigoureux en faveur du financement de l’installation à Saclay du CEA qu’il conclut par ces mots : « Il dépend de nous que la France reste un grand pays moderne. »

Les travaux sont lancés. Félix Gaillard, devenu pour peu de temps président du Conseil des ministres en 1958 signera, à la demande de Jacques Chaban-Delmas, le décret permettant le financement de la création à Pierrelatte de l’usine de séparation isotopique conduisant en 1960 à l’explosion de la première bombe atomique française au Sahara. Durant cette période, les équipes scientifiques sont renforcées de nouveaux venus comme Pierre Guillaumat qui sera l’un des principaux responsables de la politique énergétique et atomique française. Mais bien d’autres noms de militaires et de civils qui ont animé le lancement du nucléaire sont largement cités par Boris Dänzer-Kantof et Félix Torres.

La période du « règne gaulliste », de 1959 à 1969, sera celle de la guerre des filières où la technique est fortement teintée de politique. En simplifiant à l’extrême, deux conceptions sont mises en avant pour la production d’électricité, celle de l’uranium naturel, dite nationale, et celle à eau légère, dite américaine, la plus répandue dans le monde. Les techniques évolueront et bien d’autres débats suivront pour aboutir finalement à une « francisation » de procédés américains.

Parmi les problèmes à surmonter, il y a ceux du coût de l’énergie d’origine nucléaire comparé au coût des énergies naturelles. Il est orienté vers le bas après la fièvre de fin 1973-1974 consécutive à la constitution de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole). Des efforts d’économie s’imposeront au nucléaire. Comment ? Notamment par la mise au point d’équipements standardisés pour le développement nucléaire, qui s’opérera désormais à un rythme moindre qu’on l’imaginait à la fin des années 1960.

L’attitude de l’opinion a contribué à cette orientation. Au départ, le nucléaire avait le vent en poupe. Au fur et à mesure qu’il a progressé, les réticences se sont multipliées alors que les écologistes, hostiles au nucléaire, commencent à peser sur les élections.

Le plan « Pompidou-Messmer » (1973-1975), prévoyant à la fois une politique d’économie d’énergie et le maintien d’un programme nucléaire civil, marque le départ d’une politique nucléaire durable. Les chantiers vont se multiplier dans l’Hexagone et la France va chercher à s’affirmer sur le marché international. L’arrivée de la gauche au pouvoir après 1981 a entraîné une sorte d’« hiver » du nucléaire. Mais celui-ci va continuer à progresser, les grands acteurs du domaine énergétique, EDF, CEA, Areva, Alstom, ainsi que les grandes entreprises de travaux publics se tournent vers les marchés extérieurs.

Comme l’écrivent en substance Marcel Boiteux, ancien président d’EDF (et membre de l’Institut), et Philippe Boulin, ancien président de Creusot-Loire et de Framatome, dans leur préface de six pages d’un livre qui en compte près de 700, mais dont certains passages se lisent comme un roman d’aventure : « Il appartient aux acteurs du secteur de rester conscients que la réalisation du parc nucléaire français est le fruit d’un partenariat entre maints acteurs publics et privés, et de le poursuivre dans le monde de demain. »

#Énergie #Énergie nucléaire #France
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