Il est visible que l’État-Protecteur ne baigne plus dans un milieu économiquement et idéologiquement aussi favorable que celui qu’il a connu au cours du dernier quart de siècle. Parviendra-t-il à la longue à instaurer un équilibre satisfaisant entre les problèmes qu’il devra affronter et sa capacité à leur apporter des solutions viables ?
La thèse optimiste se fonde sur deux séries d’arguments. Tout d’abord, l’évolution des quantités et des prix des ressources productives requerra une présence active de l’État-Protecteur en vue de corriger les perturbations du marché du travail, de susciter de nouvelles demandes, et enfin d’assurer l’adaptation permanente de l’appareil de production. En second lieu, la montée des valeurs ” post-matérialistes ” se traduit par des revendications de qualité de vie dont la satisfaction implique un surcroît d’intervention de la part de l’État-Protecteur.
La thèse pessimiste fait valoir en sens inverse que s’il est persévère dans son être, l’État-Protecteur se heurtera à des limites vraisemblablement infranchissables, en raison des fragilités économiques graves dont il souffre, et des ambiguïtés de la ” révolution silencieuse ” observée dans les moeurs et attitudes.
Dans la mesure où les thèses en présence débouchent l’une et l’autre sur des résultats insatisfaisants, un scénario de compromis est proposé, qui suppose de la part de l’État-Protecteur une double manoeuvre : partage des emplois et recours accru à l’économie ” informelle ” d’une part, plus grande auto-organisation des services collectifs par les usagers d’autre part. Rien n’indique cependant qu’un tel scénario ait de grandes chances de succès, dans la mesure où il semble bénéficier de l’appui d’une majorité des individus, mais déplaira probablement à la plupart des institutions.