Au cours des XIXe et XXe siècles, se sont édifiées et confondues en Europe les notions d’État, de nation et de territoire. Mais, aujourd’hui, les États s’affaiblissent, pris en ciseau entre, d’une part, la mondialisation de l’économie et la construction de grandes régions, d’autre part, les exigences croissantes de décentralisation. Les nations se disloquent, faute d’être unies contre un ennemi commun et du fait d’un processus simultané d’uniformisation et de revendications identitaires. Les territoires eux-mêmes se fragmentent sous l’effet de divisions fonctionnelles et de segmentations sociales.
Faut-il en déduire que cette fin de siècle sera marquée par la fin des États nations et le déclin du pouvoir souverain qu’ils exercent sur leur territoire ? Par l’émergence de villes-États « branchées » sur l’économie-monde, détachées de leur arrière-pays relégué à l’état de banlieues ou de désert ?
Tel n’est pas l’avis de Jean-Louis Guigou qui plaide pour un État rénové, garant de l’unité et de la cohésion de la nation, animé d’un dessein unificateur. En revanche, le rôle et les modalités de fonctionnement de cet État devront être profondément modifiés en tenant compte d’une part du développement nécessaire de grands ensembles pluri-nationaux au sein desquels devront être mutualisés les risques liés à la mondialisation, d’autre part de l’indispensable décentralisation et déconcentration au profit d’instances régionales recomposées.
Le directeur à la DATAR plaide dans cet article pour la constitution en France de cinq à sept grandes régions et la constitution de pays dotés de véritables pouvoirs politiques. Il revendique aussi, au profit de sa propre administration, un pouvoir régulateur et d’animation renforcé.
État, nation, territoire : la recomposition
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 212, sept. 1996