Régulièrement, et en particulier à l’occasion de la publication des rapports PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) comparant le niveau de compétences des élèves de 15 ans dans les pays de l’OCDE, la France est l’objet de critiques, le niveau des élèves français se situant dans une petite moyenne internationale (et tendant plutôt à baisser) en dépit de dépenses publiques d’éducation plutôt supérieures à la moyenne de l’OCDE. C’est qu’en France, la tradition pédagogique considère qu’apprendre est une fin en soi, plutôt qu’apprendre à être capable de faire face aux besoins concrets qu’un élève a dans la vie courante et auxquels il aura à répondre à l’âge adulte.
Et la situation ne date pas d’hier. En témoigne le texte que nous reprenons ici, de Marc Bloch, qui déplore, en 1943, autant de défauts que les élèves que nous avons été, comme ceux qui occupent en ce moment les bancs des écoles françaises, ont déjà expérimentés : culture du bachotage, « manie examinatoire », négligence du sens critique, culture de l’élitisme, manque d’ouverture sur le monde ou les applications concrètes… Des caractéristiques du système éducatif français qui, insiste Marc Bloch, jouent contre le pays, altérant « gravement » son « rayonnement international », préparant mal aux enjeux cruciaux de la recherche scientifique et encore moins à l’adaptation au changement.
D’où l’urgence d’une réforme de fond offrant un « enseignement secondaire […] ouvert [visant à] former des élites sans acception d’origine ou de fortune », laissant une large place aux disciplines d’observation, permettant aux jeunes d’acquérir une « image véridique et compréhensive du monde », remplaçant les grandes écoles élitistes et les « rigides facultés » figées autour d’une spécialité par des groupements pluridisciplinaires… Une urgence qui, sans doute, n’a pas convaincu les décideurs en charge de l’Éducation française puisque près de 70 ans plus tard et en dépit de nombreux rapports abondant dans le même sens, les doléances à l’égard du système éducatif français – telles celles exprimées par Daniel Gouadain dans ce même numéro – n’ont guère changé.
Sur la réforme de l'enseignement (1943)
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 380, déc. 2011