Comme on peut le constater dans la plupart des articles de ce numéro spécial de Futuribles consacré aux organismes génétiquement modifiés (OGM), il existe une différence notable d’approche entre l’Europe et les États-Unis à l’égard des OGM. En quoi consiste cette différence ; quelle est son origine ; est-elle durable ? Bernard Chevassus-au-Louis examine, dans cet article, les tenants et aboutissants de ce « divorce transatlantique ».
Il présente ainsi divers facteurs pouvant rendre compte de la différence de perception et d’utilisation des plantes OGM entre le continent américain et l’Europe, se centrant plus particulièrement sur le contraste entre les États-Unis et la France. Il analyse tout d’abord les attitudes à l’égard du modèle agricole très intensif qui s’est développé, après-guerre, dans les deux pays, ainsi que vis-à-vis des entreprises impliquées dans la fourniture de semences. Puis il présente les modalités de protection intellectuelle des obtentions végétales mises en place au cours du XXe siècle, en soulignant en particulier la divergence dans le recours ou non aux brevets. Enfin, l’auteur étudie, à partir d’une distinction entre les évaluations expertes ou profanes des risques, l’attitude des citoyens vis-à-vis de telles analyses des risques. Il montre, là aussi, la spécificité européenne, liée notamment aux nombreuses crises sanitaires qui ont jalonné la fin du XXe siècle et qui ont en effet conduit à une prise de distance des citoyens vis-à-vis des évaluations d’experts. Bernard Chevassus-au-Louis conclut en s’interrogeant sur les évolutions possibles de ces divergences et sur l’opportunité de continuer à n’appliquer qu’aux seuls OGM les évaluations des risques sanitaires et environnementaux.