Le 17 mai 2013 a été promulguée, en France, la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe : le fameux « mariage pour tous » qui a fait descendre dans la rue les Français accrochés aux valeurs familiales les plus traditionnelles. Pour autant, à en juger par les profonds changements qu’elle a connus ces dernières décennies, la famille des années 2010 est bien différente de celle des années 1960, et ce changement législatif s’inscrit dans une forme de continuité de ces évolutions, porté par le renforcement de l’individualisation des sociétés qu’a confirmé la précédente livraison de Futuribles sur l’évolution des valeurs des Européens (n° 395).
Comme le montre ici Julien Damon, le mariage en tant qu’institution a perdu bien du terrain en France, au profit de la cohabitation, de l’union libre ou du pacte civil de solidarité ; les divorces et les séparations se sont banalisés ; les naissances hors mariage sont devenues majoritaires… Ceci tient à un certain nombre de révolutions qui ont jalonné la deuxième partie du XXe siècle (médicales, juridiques, priorité donnée à l’amour et au bonheur…), et a pour conséquence, entre autres, une diversification notable des modèles familiaux (familles recomposées, gardes d’enfants alternées, familles monoparentales…). Ces bouleversements qui affectent tour à tour la famille, le couple et la descendance, ont été accompagnés par une évolution du droit, dans le sens d’une plus grande égalité entre hommes et femmes, de la reconnaissance de nouvelles formes de conjugalité et de la prise en compte de l’intérêt de l’enfant, devenu le pivot des relations familiales.
Pour autant, ces évolutions peuvent-elles se poursuivre au même rythme dans les décennies à venir ? Selon Julien Damon, sans résolument choisir entre les trois scénarios envisageables (éclatement définitif de la famille, stabilisation ou retour en arrière), il est possible que l’on ait atteint une sorte de palier dans les transformations de la famille, mais ces transformations, quel que soit le rythme où elles évolueront, continueront vraisemblablement d’être accompagnées par le droit et croiseront, enfin, une autre problématique en lien avec la famille : celle de la dépendance des ascendants vieillissants.