Dans la foulée de sa contribution au numéro spécial « Perspectives énergétiques et effet de serre » de Futuribles (janvier 2006), qui présentait les principaux scénarios réalisés en matière de stabilisation des émissions de gaz à effet de serre, Patrick Criqui montre ici, avec Constantin Ilasca, comment ont évolué les scénarios dans ce domaine depuis 2007. Car si l’approche longtemps privilégiée consistait à partir des objectifs mondiaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, fixés lors de conférences internationales, pour construire des scénarios de politique nationale (ce que l’on appelle l’approche top-down), la croissance économique rapide des pays émergents (en particulier de la Chine) et le retour des États-Unis dans la négociation internationale sur la lutte contre le changement climatique, ont changé la donne. Ainsi, depuis l’accord de Copenhague, fin 2009, il semblerait plus logique, selon les auteurs, de partir des politiques et objectifs affichés à l’échelle nationale pour élaborer des scénarios sur le changement climatique mondial (approche dite bottom-up).
Cet article détaille bien ce changement de paradigme. Il présente ainsi la prospective des émissions de gaz à effet de serre telle qu’elle se faisait avant Copenhague, reposant pour l’essentiel sur des travaux d’évaluation des coûts liés aux politiques d’atténuation à mettre en place pour limiter le réchauffement climatique. Puis il analyse divers scénarios de transition dits « postcarbone » (censés sonner le glas de l’ère des émissions massives de CO2) articulant politique climatique, soutenabilité énergétique et modes de développement économique. Enfin, il montre le basculement en cours depuis l’accord de Copenhague et la tension désormais patente entre des objectifs mondiaux ambitieux (limiter le réchauffement climatique à 2 °C à l’horizon 2100) et des réalités nationales induisant des engagements plus limités (en particulier dans les économies émergentes). Un nouveau contexte qui pourrait donner naissance à de nouvelles familles de scénarios, prenant acte du sacrifice du bien-être mondial sur l’autel de bien-être nationaux (malheureusement moins durables).