Toutes considérations éthiques et psycho-sociologiques mises de côté, W.W. Pommerehne et A. Hart explorent ici, d’un strict point de vue économique, quelle pourrait être la politique la plus efficace vis-à-vis de la production, de la distribution et surtout de la consommation de drogue, à la fois pour les toxicomanes et pour la collectivité.
Pour ce faire, les auteurs commencent par explorer quelles seraient les conséquences d’une libéralisation totale du marché de la drogue, dont le » blanchiment « , estiment-ils, mettrait fin à la surenchère des prix (liée à la clandestinité) qui conduit les toxicomanes à devenir eux-mêmes traficants et donc à une expansion illégale du marché. Cependant, l’ètablissement d’un tel marché libre aurait d’importants effets pervers au niveau individuel et collectif en raison des menaces que fait peser la consommation de drogue, aussi bien sur la santé des toxicomanes que sur la société, » externalités négatives » qui toutefois, notent Pommerehne et Hart, ne seraient sans doute guère supérieurs à celles qu’entraînent d’autres » comportements malfaisants » et qui sont de nature toute différente suivant le type de drogue. Néanmoins, considérant les conséquences négatives d’une telle libéralisation, les auteurs explorent les conséquences d’un régime d’interdiction absolue, faisant alors remarquer que s’il a quelques avantages, il comporte aussi de grands inconvénients liés au développement d’un marché noir de plus en plus important, à une escalade des prix induisant une délinquance accrue contraignant la puissance publique à mener une politique contre la toxicomanie qui est très coûteuse et d’autant moins efficace que les contrevenants s’ingénient, par des pratiques de plus en plus criminelles, à y échapper.
Les auteurs ayant ainsi entendu démontrer que l’interdiction absolue, tout comme la libéralisation totale, comportaient l’une et l’autre d’importants inconvénients, explorent finalement une troisième voie, celle consistant à établir un marché public de la drogue qui permettrait finalement de mieux contrôler les consommations et de démanteler les réseaux clandestins de distribution. L’établissement d’un tel système de distribution publique aurait sans doute, selon eux, des avantages non négligeables au plan tant individuel que collectif.
Sans doute l’approche strictement économique, et au demeurant très largement théorique, ici présentée, n’épuise-t-elle pas le sujet sur lequel la revue Futuribles publiera prochainement un dossier beaucoup plus complet. Elle procède toutefois d’une logique qui est loin d’être sans intérêt, qu’elle soit appliquée à la drogue ou à d’autres bien dans la consommation, légale ou illégale, s’accompagne d’externalités rarement prises en compte par les économistes.
Drogue : le point de vue de l'économiste
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 174, mars 1993