Nous nous obstinons à affirmer, au travers de Futuribles, que l’avenir n’est pas déjà fait – prédéterminé -, qu’il est au contraire ouvert à de nombreux futurs possibles (d’où le label futur-ibles) dont l’avènement dépendra, au moins en partie, des décisions et des actions humaines. Or ces choix et ces actes dépendent – prétendons-nous – d’innombrables facteurs qui, pour une large part, échappent, en raison de leur caractère qualitatif et subjectif, aux approches pures et dures des sciences dites exactes. En un mot, nous disons que l’avenir est liberté et, puisqu’il n’est point déjà fait, qu’il ne peut être l’objet de » connaissance « , mais seulement de spéculations. Ce que l’on désigne aujourd’hui comme » la crise de la prévision » et » la montée de l’incertitude » vient d’ailleurs accréditer la conviction sur laquelle est ainsi fondée notre entreprise.
C. Marchetti, par un brillant exposé sur l’avenir du trafic automobile entend ici nous administrer la preuve que nos convictions sont erronées et que si nous prétendons que l’avenir est imprévisible de manière scientifique et certaine, c’est simplement parce que nous ne savons pas comment procéder. Convaincu que » l’on peut prédire dans les sciences de l’homme comme l’on prédit dans les sciences dites exactes « , C. Marchetti prétend qu’il » existe dans les comportements humains, considérés d’ordinaire comme extrêmement volatiles, des invariants qui permettent de prédire à grands traits leur évolution future « . Nous ne contestons pas l’existence de tels invariants, mais de là à tous les identifier et à les estimer suffisants pour garantir la prévision, il y a un pas que nous laissons à C. Marchetti le soin de franchir tout seul…
L’entreprise Futuribles serait-elle fondée sur une erreur ? Véhiculerait-elle une vision erronée de l’avenir qui, au lieu d’être ouvert à une grande variété de futurs possibles, serait en fait totalement prédéterminé et donc prévisible, comme le mouvement d’une horloge dont on aurait désormais découvert la mécanique ? Nous ne le pensons pas, mais estimons que le débat mérite d’être engagé et qu’au moment où la revue Futuribles fête son 10e anniversaire une certaine remise en cause de nos idées est fort salutaire.