On considère volontiers que, compte tenu de l’inertie inhérente aux phénomènes démographiques, les projections à long terme sont en ce domaine infiniment plus aisées à établir et plus fiables qu’en tout autre. Et pourtant trois révélations récentes viennent opportunément rappeler combien il est nécessaire d’être vigilant quant à la qualité des chiffres relatifs aux évolutions passées et, a fortiori, quant aux projections sur la base desquelles celles-ci sont établies.
La première surprise concerne le Nigeria, le dernier recensement révélant que sa population serait de 88 millions d’habitants au lieu des 123 millions qui lui étaient auparavant attribués, soit un gouffre de 35 millions. La seconde révélation est encore plus surprenante puisqu’elle concerne les États-Unis dont l’appareil statistique et partant les projections, inspiraient davantage confiance. Et cependant, le US Bureau of the Census révise fondamentalement ses projections à l’horizon 2050, estimant désormais que la population américaine atteindrait à cette date 382 millions d’habitants, soit 80 millions de plus que ce qui était prévu seulement trois ans plus tôt (projections de 1989 comparées à celles de 1992). La troisième surprise concerne la Chine qui aurait réussi, en l’espace très court de deux décennies, à réduire sa fécondité au niveau des pays les plus avancés jugulant du même coup un rythme d’accroissement démographique qui, assurément, n’était guère compatible avec ses ambitions en termes de développement.
Ces bouleversements de situation, a fortiori de perspective, incitent sans nul doute à prendre quelque recul par rapport aux prévisions, quand bien même elles portent sur des phénomènes mesurables et empreints d’une grande inertie. Quels seront le volume et la composition de la population française, ne fusse qu’à l’horizon 2020 ? L’incertitude demeure très grande.
Les fausses surprises de la démographie mondiale
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 183, jan. 1994