Le Macroscope de Joël de Rosnay paraît en 1975. Il s’agit d’un livre inhabituel, mélange de théorie, de méthodologie, de pédagogie et de vision à long terme, sérieux et simple, qui met à la portée de tous une méthode fondée sur les sciences de la complexité. Ce n’est ni un essai ni un livre politique. Bien qu’il parle du futur, ce n’est pas non plus un ouvrage de prospective, car les scénarios ne sont pas explicitement datés et il procède essentiellement par extrapolation d’études réalisées aux Etats-Unis.
Le Macroscope se sert d’un outil imaginaire, le » macroscope « , extrêmement puissant, pour observer le monde et la société, et par là déceler les indices du futur. L’auteur l’utilise pour mettre en pratique l’approche systémique, très peu connue en France au milieu des années 1970, qui se concentre, notamment, sur les interdépendances, les flux, les complémentarités des individus entre eux et avec leur environnement.
L’information constitue – avec l’énergie et le temps – l’un des trois secteurs fondamentaux de la connaissance que l’auteur approfondit pour illustrer l’approche systémique. Il tire pleinement les conséquences du fait que l’échange d’informations n’est pas un jeu à somme nulle ; grâce à quoi les relations de complémentarité, d’interdépendance conduisent à un réseau de concepts et de personnes qui se renforcent mutuellement, sans s’exclure. Telle est la ligne directrice essentielle de la société future décrite en détail dans la partie du Macroscope consacrée à ce thème.
Voici exposée une nouvelle forme d’organisation sociale, » la société en temps réel « , où sont esquissés les développements techniques prévisibles, mais aussi la nécessité de s’interroger sur les effets potentiels de la société interactive. Cette société en temps réel dont il décrit maints aspects – accès sélectif aux informations, communication visuelle, communication interpersonnelle, ville câblée, régulation des fonctions urbaines et dialogue entre ordinateurs – constitue aussi une étonnante anticipation d’Internet. Enfin, Joël de Rosnay aborde aussi la substitution transports-télécommunications, thème alors d’actualité avec la première crise de l’énergie de 1973 et imagine déjà le sur-mesure de masse. La société qu’il décrit nous semble bien familière, elle n’était pas encore visible en 1975.
L'information et la société interactive
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 302, nov. 2004