» En trois décennies à peine, on a appris à isoler, modifier et breveter des gènes, transgresser des frontières établies depuis des millions d’années entre les espèces et les règnes, transformer le vivant en marchandises, en viviers industriels et en chaînes de production transgénique et même clonée. «
Ainsi progressent à vive allure les technosciences qui, au travers d’une surenchère permanente, permettront peut-être d’abolir bientôt l’espèce humaine ou de créer des êtres humains meilleurs. Alors » pourquoi s’en priver ? Quel est le problème ? «
Le problème réside d’abord dans le développement d’organismes génétiquement modifiés (OGM) dans le domaine végétal puis animal et humain, sous l’impulsion des progrès de la science et des forces du marché, sans maîtrise ni contrôle des enchaînements pervers qui peuvent en résulter.
Louise Vandelac traite d’abord des OGM pour montrer combien la croissance des cultures transgéniques est » fulgurante » et quels sont ses impacts problématiques. Puis, glissant d’une espèce à l’autre, elle nous montre comment, partant d’un problème de stérilité pour développer la fécondation in vitro, nous en sommes rapidement venus à manipuler le génome des embryons pour les juger, les jauger, les trier, en corriger les défauts…
L’auteur souligne ainsi comment nous nous orientons à grands pas vers une artificialisation complète du vivant, comment nous entrons sans y prendre garde dans un mode de production biologique, un eugénisme » doux et larvé, individualiste et consumériste « , une ère marquée par d’incroyables combinatoires : corps et âme, gamètes et embryons, confusion des espèces, des personnes et des choses…
» Au nom de quoi donne-t-on à certains contemporains un pouvoir aussi exorbitant ? « , s’interroge alors Louise Vandelac, et l’auteur de montrer qu’une telle emprise technico-scientifique sur l’identité individuelle et collective est à la fois paradoxale et suicidaire. Donc, il ne faut pas laisser faire mais » exiger les moyens de penser collectivement la genèse, l’ampleur et la complexité de cette emprise marchande, mortifère et eugéniste sur le vivant. Il faut faire entrer les sciences en démocratie. «
Menace sur l'espèce humaine. Démocratiser le génie génétique
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 264, mai 2001