L’ouvrage de Daniel Bell Vers la société postindustrielle est le fruit de nombreuses recherches menées dès les années 1950. Il est devenu une référence classique de la sociologie et a très tôt été utilisé (voire exploité) par les prospectivistes. Ils y ont trouvé des démonstrations solides et de riches intuitions sur l’évolution des sociétés occidentales.
Dans les pages ci-dessous, extraites de l’introduction, l’auteur commence par rappeler ce qui différencie la prédiction de la prospective. Cette dernière est ensuite déclinée en grands domaines d’étude : prospectives technologique, démographique, économique, politique, sociale. Les exercices de » prospective sociale » lui semblent essentiels et prioritaires, mais aussi particulièrement difficiles à réaliser du fait de la multiplicité et de l’imprécision des variables à prendre en compte. Pour dépasser cette difficulté, il conseille de s’appuyer sur un cadre théorique rigoureux et sur de bons indicateurs empiriques : il n’y a pas de prospective sans un minimum de réflexion conceptuelle ni sans une connaissance objective de la réalité présente.
Pour finir, il met en oeuvre ces recommandations en indiquant la meilleure façon, selon lui, d’appréhender l’émergence de la » société postindustrielle « . Croisant faits et théories, il en conclut que ce nouveau modèle de société se manifeste par cinq tendances majeures : une économie de services ; la prééminence des ingénieurs et des techniciens ; la primauté du savoir théorique appliqué ; la planification et la prévision ; et enfin l’apparition d’une nouvelle » technologie de l’intellect « .
Ce dernier point est fondamental à ses yeux, ce qui l’amène à parler (bien avant que ces notions ne soient à la mode) de » société du savoir « , de » société de la connaissance » ou de » société de l’information « . À la même époque, d’autres auteurs partageaient les conclusions de D. Bell ; rappelons, par exemple, que le terme » postindustriel » fut introduit aux États-Unis dès 1958 par David Riesman. Dans les années 1960, en France, Raymond Aron, Alain Touraine ou André Gorz développaient des analyses similaires. Sur le moment, leurs conclusions étonnèrent ; elles sont devenues réalité.
Extrait des pages 37 à 70 du livre de Daniel Bell, Vers la société postindustrielle. Paris : Robert Laffont, 1976.
Vers la société postindustrielle (1973)
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 308, mai 2005