Notre capacité de décryptage de la situation internationale est plus brouillée que jamais par la prolifération de nouveaux types de conflits. La tentative de clarification de Bertrand Badie des ressorts de cette « anarchie internationale » est donc bienvenue et bien menée. Sa généalogie de la montée des mouvements contestataires permet de souligner les grands moments de rupture et invite le lecteur à un effort de lucidité pour cesser d’analyser les phénomènes actuels avec les lunettes du passé.
L’ordre westphalien fondé en 1648 sur la souveraineté, la territorialité et les négociations internationales est devenu obsolète. On ne peut plus raisonner selon une logique de puissance, longtemps restée le principal ressort des relations internationales : l’auteur voit dans l’occultation volontaire des dynamiques sociales, qui vise à affirmer un certain légitimisme dynastique et à mater les insurrections sociales, la cause congénitale de l’épuisement de cette logique.
La force de l’oligarchie de puissances des XIXe et XXe siècles reposait au départ sur un sentiment de proximité des grands, fondé sur une reconnaissance juridique du droit à la souveraineté, une reconnaissance politique de la ...