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Travailler au XXIe siècle. L’ubérisation de l’économie ?

Analyse de livre

BARTHÉLÉMY Jacques, CETTE Gilbert, « Travailler au XXIe siècle. L’ubérisation de l’économie ? », Odile Jacob, janvier 2017, 144 p.

Avec la révolution industrielle, le lien salarial en est venu à constituer le statut dominant du travail rémunéré. Depuis quelques années, toutefois, il est fort question d’un développement du « travail autonome », le lien entre le travailleur et le donneur d’ordres cessant d’être constitué par un contrat de travail et prenant désormais la forme d’un contrat commercial. En France, les démêlés de la plate-forme Uber avec les chauffeurs de taxis d’abord, avec ses propres chauffeurs ensuite, ont ainsi donné lieu à l’idée d’une « ubérisation de l’économie », qui constitue le sous-titre du livre de Jacques Barthélémy et Gilbert Cette.

Pourquoi ce livre ? Parce que le travail autonome échappe au code du travail, qui se limite en réalité à un code du travail salarié, issu de la « civilisation de l’usine », ainsi qu’au code de la Sécurité sociale. Et cela présente, pour le « travailleur autonome », un certain nombre de risques : risque de précarité lorsqu’il se trouve en situation de dépendance par rapport au donneur d’ordres, ou risque face aux aléas de la vie. D’où la nécessité de repenser un droit du travail devenu trop étroit pour s’adapter aux situations nouvelles, largement issues des possibilités offertes par la révolution informatique. Le danger inhérent à une telle situation serait celui d’une incertitude croissante au détriment des plus faibles et d’une judiciarisation excessive des rapports de travail.

Il convenait d’abord de mesurer l’ampleur du phénomène. Les statistiques nous livrent ici une première surprise : le travail autonome ne semble pas avoir sensiblement progressé au cours de ces dernières années et paraît plafonner à un niveau légèrement supérieur à 10 % du travail salarié (11,5 % en 2014). Deuxième surprise : le travail autonome concerne plus particulièrement des catégories d’un haut niveau de qualification. Les travailleurs autonomes d’un faible niveau de qualification, qu’illustrent les chauffeurs d’Uber, seraient donc très minoritaires, malgré la publicité que leur ont donnée les médias.

Reste néanmoins à trouver des solutions sur le plan juridique, compte tenu de l’obsolescence des formes classiques de subordination qu’impliquent les nouvelles modalités d’organisation du travail. Encadrer trop fortement le travail autonome serait prendre le risque de limiter le développement d’activités nouvelles, notamment dans l’économie numérique ; ne rien faire serait prendre le risque de voir se multiplier les abus et les risques de désillusion de certains travailleurs autonomes, y compris parmi ceux qui ont délibérément choisi un tel statut.

La solution proposée par les deux auteurs, que Jacques Barthélémy avait déjà eu l’occasion d’exposer dans une note de l’Institut de l’entreprise [1], est la création d’un « droit de l’activité professionnelle » intégrant, sous un même chapeau, diverses formes de travail existantes. On ne détaillera pas ici les différentes propositions – assez techniques – formulées par les deux auteurs.

Ces propositions sont à la fois réalités et porteuses d’avenir. On se risquera toutefois à émettre un regret. La dimension économique et juridique du problème se trouve clairement balisée, mais il y manque la dimension sociologique. S’il est question aujourd’hui de « travail autonome », c’est qu’il existe une aspiration, notamment parmi les jeunes, à plus d’autonomie, le souci de sécurité venant en second lieu seulement dans un environnement devenu plus ouvert. La possibilité d’un portage des droits d’une situation de salarié à une situation de demandeur d’emploi, et à une situation de travailleur autonome, est donc devenue une nécessité. Reste à savoir dans quelle mesure cette autonomie se réalisera dans le cadre de l’entreprise, à partir de formes d’organisation nouvelles, ou à l’extérieur, sous forme de prestations relevant d’un contrat commercial.

Ici, on pourra formuler au moins deux scénarios, selon que les entreprises, et notamment les grandes entreprises, sauront ou non adapter leur organisation aux nouvelles exigences, venant des « porteurs de talents » auxquels il leur faut faire appel.



[1] Civilisation du savoir et statut du travailleur, Paris : Institut de l’entreprise (Notes de l’Institut), novembre 2015.

#Droit du travail #Technologie de l’information #Travailleurs indépendants
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