À l’heure où la question écologique tend à prendre une part croissante dans le débat public, les regards se tournent à nouveau vers Ivan Illich, l’un des fondateurs les plus emblématiques de la pensée écologique. La biographie qui vient d’être publiée par Jean-Michel Djian tombe donc à point nommé. En mettant en scène un personnage formidablement complexe et attachant, elle éclaire aussi, par reflet, quelques-unes des faiblesses congénitales de l’écologie politique.
Si les idées naissent toujours quelque part, chez des individus qui ont une histoire, c’est particulièrement vrai dans le cas d’Ivan Illich. Et il a fallu à Jean-Michel Djian beaucoup lire et écouter pour démêler les fils qui relient la vie rocambolesque d’Ivan aux idées iconoclastes et foisonnantes d’Illich. Il a non seulement rencontré son héros mais a aussi conversé longuement avec la plupart de ceux qui l’ont connu intimement. Ce livre est donc, outre ses qualités d’écriture, un document exceptionnel.
Nous y voyons un Ivan Illich, toujours en quête de « disruption » intellectuelle, puiser dans les avatars successifs de sa vie pour fabriquer une pensée foisonnante et parfois déroutante. Le premier Illich s’affirme dans une famille aristocratique et cultivée de la Vienne flamboyante des années 1920. Avec, du côté maternel, juste ce qu’il faut d’ascendance juive pour provoquer chez le jeune Ivan, au moment de l’Anschluss, une inquiétude et un inconfort qui ne le quitteront plus. Il y a du Stephan Zweig chez ce Croate autrichien qui parle huit langues, achève ses études d’histoire, de...