Nous avons enregistré, au cours des dernières décennies, des progrès considérables en termes d’espérance de vie (plus de dix ans entre 1950 et 1980), progrès réalisés d’abord par la baisse de la mortalité infantile, ensuite par le recul de l’âge au décès. La question toutefois que soulève J. Légaré est de savoir d’une part combien d’années nous pourrons encore conquérir sur la mort, d’autre part quel sera notre état de santé durant le temps ainsi gagné.
Comparant l’espérance de vie totale à l’espérance de vie sans incapacité, l’auteur tend à montrer qu’une grande partie des années d’existence gagnées grâce au progrès médical sont en réalité des années d’invalidité et que – les contraintes budgétaires impliquant des choix – il vaudrait peut-être mieux moins dépenser pour allonger l’existence et investir davantage pour lutter contre l’invalidité. Mieux vivre en somme plutôt que vivre plus longtemps.
L’auteur pose ce faisant deux questions essentielles dont la réponse est loin d’être évidente : – celle de la qualité de vie au cours des années d’existence conquises sur la mort (toutes ces années sont-elles des années d’invalidités ?) – celle de l’affectation des ressources en matière de politique de santé (celle-ci, notons-le au passage, n’étant peut-être pas l’unique facteur déterminant de la longévité et de la morbidité).
La thèse de J. Légaré mérite débat, l’alternative » vivre mieux ou vivre plus » n’étant pas qu’il semble l’indiquer… Nous avons donc demandé à quatre éminents spécialistes du CREDES et l’INSEREM de nous faire part de leurs réactions. Elles sont publiées à la suite du présent papier.
Une meilleure santé ou une vie prolongée ? Quelle politique de santé pour les personnes âgées ?
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 155, juin 1991