Cet article vise à mettre en relief les inconvénients d’une politique qui, par l’instauration de prix artificiels (gratuité des biens collectifs, aides spécifiques sous forme de prix réduits), a pour objectif ou pour effet l’égalité, ou une moindre inégalité, quant à certains usages, i.e. quant à la possibilité d’obtenir certains biens ou services. Une telle politique, qui apparaît pleinement justifiée quand il s’agit d’assurer à tous les mêmes biens fondamentaux (défense nationale, santé…) ou qui peut l’être quand il s’agit d’encourager certaines pratiques (activités culturelles, sportives…), apparaît critiquable dès lors qu’elle a pour objet la réduction des inégalités économiques : 1) dans son principe, l’égalité d’usage contribue à l’égalité, non en réduisant les inégalités économiques mais en limitant leur portée (la hiérarchie des revenus n’est pas atteinte) ; 2) dans la pratique, l’égalité formelle masque fréquemment une contre-redistribution sociale ; 3) l’égalité d’usage restreint la liberté de choix des individus, en redistribuant le pouvoir quant à l’affectation des ressources, des particuliers vers leurs représentants (ou vers les fonctionnaires).
De l'égalité d'usage : à propos d'une action indirecte sur les inégalités économiques
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 8, sept.-oct. 1976