Dès les années 50, certaines voix – dont celle de Bertrand de Jouvenel – se sont élevées pour dénoncer combien la comptabilité nationale faisait peu de cas des biens (dont l’oxygène) et des services (par exemple le travail domestique) gratuits et des coûts externes (la pollution et les nuisances). D’aucuns allèrent plus loin pour souligner combien ces stratégies de développement étaient suicidaires dès lors qu’elles exigeaient des ponctions croissantes sur la nature (d’où le spectre de l’épuisement des ressources) et entraînaient de plus en plus de pollution menaçant la survie même de l’écosystème. Ils contribuèrent ainsi à l’émergence du concept de développement durable qui est séduisant mais peut conduire à bien des raisonnements erronés.
Le premier, en vertu duquel l’état naturel constituerait la norme. Or, Olivier Godard montre que l’on ne peut ainsi évacuer les valeurs, les préférences, bref qu’il n’y a pas d’idéal type, d’écosystème naturel de référence.
Naïveté encore, indique l’auteur, lorsque l’on considère qu’il suffirait d’internaliser les coûts externes à long terme afin de préserver les capacités de reproduction identique des systèmes. En effet, ce qui compte est davantage de maintenir la capacité de résilience des systèmes, celle de se reproduire non pas à l’identique mais en s’adaptant.
L’auteur poursuit en montrant les erreurs d’interprétation fréquemment commises sur le développement durable, particulièrement lorsque l’on entend le mettre en oeuvre au niveau local alors qu’il n’a réellement de sens qu’au niveau planétaire – ceci ne dispensant pas, notamment en zones urbaines, de prendre les mesures utiles à un développement viable -.
Enfin, O. Godard montre pourquoi la loi du marché ne saurait, à elle seule, assurer la viabilité à long terme des projets de développement et pourquoi s’impose un arbitrage par des institutions publiques des usages concurrentiels du territoire.
Le développement durable et le devenir des villes. Bonnes intentions et fausses bonnes idées
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 209, mai 1996