Nul n’ignore que les institutions européennes sont confrontées à un problème d’efficacité et de légitimité qui risque de s’aggraver à mesure que l’Union compte un nombre croissant d’états membres (élargissement à 20, 25, 30 membres, sinon plus). La nouvelle conférence intergouvernementale qui doit se conclure en décembre à Nice permettra-t-elle donc de trouver une solution aux problèmes en suspens, ceux-là mêmes sur lesquels avait échoué la précédente CIG qui s’est soldée, en 1997, par le » traité d’Amsterdam » ?
Yves Bertoncini montre ici qu’il y a deux enjeux principaux : celui de la composition et du fonctionnement de la Commission européenne et celui du processus de décision du Conseil des ministres avec, peut-être, une solution permettant d’échapper à l’éternel débat sur lesdites modalités de décision, celles consistant à recourir au procédé dit des » coopérations renforcées « .
L’auteur montre d’abord les ambiguïtés auxquelles la Commission européenne est aujourd’hui confrontée en raison du statut incertain des commissaires (représentant chacun leur État ou formant ensemble une direction collégiale supranationale) qui rejaillit sur leur nombre (la nécessité pour chaque État d’y être représenté) et sur leur poids dans le processus de décision. Il souligne simultanément les aberrations relatives aux prérogatives de la Commission, notamment en matière législative, alors même qu’elle ne dispose pas d’une autonomie suffisante vis-à-vis des États membres et suggère donc des pistes de réformes qui permettraient d’accroître et l’efficacité et la légitimité de cette instance.
Dans une seconde partie, l’auteur s’interroge sur les modalités de vote au Conseil des Ministres pour montrer la nécessité d’en finir avec le principe d’unanimité qui est une source majeure de blocage et débattre des procédures décisionnelles en vigueur, des difficultés qu’elles soulèvent eu égard au poids respectif de chaque pays et au type de majorité à chaque fois requise.
Il montre la complexité du système actuellement en place, discute des différentes solutions envisagées et montre les difficultés qu’elles soulèvent.
Finalement, anticipant le risque d’un nouvel échec des négociations engagées sur ce chapitre, Yves Bertoncini propose, plus pragmatiquement, un recours plus intensif à la formule des » coopérations renforcées » qui aurait l’avantage » de n’exclure a priori aucun état membre mais de prendre acte du caractère extrêmement variable des intérêts des uns et des autres dans une union à 20 ou 30 membres, qu’il serait absolument vain de vouloir faire progresser au même pas « . Ce faisant, l’auteur plaide pour que, à défaut de construction institutionnelle d’ensemble parfaitement satisfaisante, des solidarités de fait, à géométrie variable, puissent au moins se développer.
Les institutions européennes dans l'impasse
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 259, déc. 2000