Tout à l’opposé du discours ambiant qui, notamment, tend à mettre en évidence le déclin de l’État-nation, pris en étau entre le local et le global qui gagnerait en importance, et aime à souligner le processus de convergence des valeurs et des comportements, au moins au sein de l’Europe, l’article de Luc Rouban montre que se creusent des divergences entre pays européens et, au sein de ceux-ci, entre les dirigeants ? qu’ils soient du public ou du privé ? et les salariés.
L’auteur, s’appuyant sur les résultats de la première vague de l’European Social Survey de 2002-2003 conduite sur un échantillon de 19 000 salariés aussi bien du public que du privé, montre, outre le véritable malaise français, le degré très différent de politisation des salariés dans les pays européens, que celle-ci soit mesurée à l’aune de leur participation électorale ou à celle de leur participation à la vie associative ou syndicale. Il souligne au demeurant combien la participation politique est moindre chez les jeunes générations que chez celles plus âgées, même si parmi les jeunes, cette dernière augmente avec le niveau d’éducation.
Une des variables explicatives semble résider dans le rapport au travail, lui-même très déterminant vis-à-vis de la participation à la vie publique, l’un et l’autre étant du reste assez corrélés avec les niveaux de confiance et d’autonomie des salariés.
Rien d’étonnant en conséquence, affirme l’auteur, dans le résultat du référendum français du 29 mai 2005 sur la Constitution européenne. La demande d’Europe reste faible, particulièrement en France où un divorce croissant semble exister entre les classes dirigeantes et les catégories sociales plus modestes, quel que soit leur âge.
Luc Rouban conclut que la divergence l’emporte sur la convergence au sein de l’Europe et met en évidence les risques liés à un profond décalage, particulièrement saisissant en France, entre l’élite et la majorité des salariés. À l’opposé du discours sur la construction européenne et l’essor de la dimension locale, il souligne la montée d’un nationalisme non seulement économique mais également culturel.
Europe : la fracture sociale. La diversité des cultures sociopolitiques en Europe
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 313, nov. 2005