L’accélération des développements scientifiques et techniques fascine tout autant qu’elle inquiète en raison des effets psychologiques, sociaux, politiques…, qui peuvent en découler. On avait lu un aperçu, dans ces colonnes, de la façon dont le transhumanisme déroulait ses arguments scientifiques pour démontrer l’inéluctabilité de l’avènement du posthumain [1]. Jean-Michel Besnier approfondit cette analyse de la « doctrine » transhumaniste en en montrant les origines historiques, et en présentant les multiples objectifs, parfois très disparates, qu’elle englobe, ainsi que les perspectives d’avenir qui pourraient être les siennes.
Dans « la préhistoire intellectuelle du transhumanisme », J.-M. Besnier rappelle notamment la propension de savants tels qu’Einstein à mêler science et métaphysique, ou des doctrines plus anciennes comme l’« hermétisme » de l’Antiquité, ou la « gnose chrétienne », assurant que la connaissance doit permettre d’améliorer l’humain. Mais il insiste surtout sur la référence à la contre-culture américaine des années 1960 qui, paradoxalement, alors qu’elle s’opposait à la société matérialiste, a ouvert la voie à une idéologie visant à transformer la société par la technique et à un nouveau matérialisme. L’auteur s’interroge ensuite sur la nature du transhumanisme aujourd’hui, constatant qu’en dépit de quelques tentatives de légitimation philosophique, ce concept demeure éminemment flou, sinon porteur de visions parfois contradictoires, débouchant souvent, in fine,sur un posthumanisme visant, au moyen des avancées technologiques, à transformer et dépasser l’espèce humaine. Enfin, réfléchissant à l’avenir de ce mouvement (« entre éthique et apocalypse »), l’auteur souligne que posthumanisme et transhumanisme ne se préoccupent pas de questions éthiques ni de réflexions sociologiques, leur ambition étant plutôt de pallier les faiblesses et les échecs de l’humain au moyen de la technologie, dans l’espoir d’échapper à un destin funeste. Mais, conclut-il, cette vision « hypermoderne », déjà très contestée, n’ira guère plus loin si elle ne développe pas une solide argumentation sur le plan sociopolitique.
[1] ROBITAILLE Michèle, « Le transhumanisme comme idéologie technoprophétique », Futuribles, n° 370, janvier 2011, p. 57-70.