Voici plusieurs années que divers observateurs de la société française dénoncent sinon l’émergence d’un certain « déclassement » des classes moyennes, à tout le moins un renforcement de la reproduction sociale (au sens où pouvait l’entendre Bourdieu). En d’autres termes, le système éducatif et économique français ne permettrait plus aux individus les plus modestes de progresser dans l’échelle sociale, tandis que les élites politiques et économiques, pour leur part, continueraient à se reproduire, maintenant une logique d’héritage social. L’ascenseur social est-il en panne en France ? Manifestement, oui selon Bernard Hugonnier, qui a examiné les évolutions relatives à l’élitisme républicain en France ou, autrement dit, à la façon dont l’École permet aux élèves, par leurs compétences et indépendamment de leur origine sociale, de rejoindre l’élite du pays.
Après un rappel de ce qu’est l’élitisme républicain, de ses origines et de la façon dont on peut le mesurer (et le comparer à ce qui prévaut dans d’autres pays), Bernard Hugonnier montre que le système éducatif français est aujourd’hui très inéquitable, marqué par un fort déterminisme social, ce dont les Français sont de plus en plus conscients. Au-delà du constat d’échec qui peut être tiré de cette analyse en termes d’égalité d’accès à l’élite républicaine, cet article souligne les conséquences indirectes qui en découlent : perte de confiance dans les élites, notamment politiques, et remise en cause du caractère réellement démocratique de la république en France. Incontestablement, ces freins à la mobilité sociale et la conscience qu’en ont les Français constituent des menaces importantes à la cohésion sociale. Et pour y faire face, nous dit Bernard Hugonnier, il faudra commencer par réformer en profondeur le système éducatif.