L’intelligence artificielle (IA) bénéficie depuis quelque temps d’une attention sans précédent. Pourquoi ? Parce qu’elle accomplit un véritable bond en avant sous l’effet combiné de quatre facteurs : l’essor des communications permettant désormais, à l’échelle planétaire et à la vitesse de la lumière, de transporter toutes les formes d’expression, la puissance de calcul (qui se mesure en millions de milliards d’opérations par seconde), l’explosion des données disponibles et le progrès des algorithmes apprenants. Ainsi, affirment André-Yves Portnoff et Jean-François Soupizet, émerge tout un écosystème nouveau.
Quelles peuvent être les applications de l’IA ? Elles sont déjà innombrables, allant de la traite des chèvres aux services bancaires en passant par les véhicules autonomes, le marketing numérique, les villes intelligentes, la santé, les sabotages… Certains experts, tenants de la « singularité technologique », vont même jusqu’à penser que l’IA pourrait prendre le contrôle de la planète, une affirmation ici fermement contestée par nos auteurs qui, cependant, soulignent combien la répartition des rôles entre les hommes et les machines exige d’être repensée, tout comme la relation entre eux. Ils signalent, au demeurant, que la diffusion de l’IA dans les entreprises n’est pas aussi avancée que cela ; car elle impliquerait de profonds changements dans les formes d’organisation, de management…, bref, une révolution culturelle qui ne progresse pas au rythme des techniques?! Parlant cette fois des acteurs, ils soulignent le conflit opposant les nouveaux entrants (les géants de l’Internet américains et chinois) et les entreprises traditionnelles, ainsi que les États dont la souveraineté se trouve sérieusement entamée ; mais ces derniers peuvent demain découvrir dans l’IA les moyens d’une nouvelle puissance, pour le meilleur comme pour le pire…
André-Yves Portnoff et Jean-François Soupizet, se fondant, pour la rédaction de cet article, sur une Analyse prospective destinée aux membres de l’association Futuribles International, se risquent ici à esquisser quelques futurs possibles, non des scénarios à proprement parler, mais des modèles contrastés : celui du « panoptique numérique privatisé », marqué par la suprématie des géants du numérique ; celui du « panoptique numérique étatisé », illustré par la collusion d’intérêts entre les géants de l’informatique et le pouvoir politique chinois ; celui « long-termiste éclairé » ; et celui « des criminalités numériques ». Ce faisant, les auteurs montrent une fois de plus combien les technologies sont à double tranchant et combien notre responsabilité, notamment celle des Européens, est importante à l’heure de choix qui, sans nul doute, engageront l’avenir pour longtemps.