L’économie est la seule discipline, du moins des sciences humaines, ayant une vocation à la fois descriptive et normative. Le fait est cependant qu’elle a du mal à s’appuyer sur l’observation empirique, qu’elle a tendance à se replier sur une démarche théorique, que ses recommandations sont rarement robustes et consensuelles, et qu’elles ont finalement peu d’impact sur les décisions.
Pour étayer cette critique, les auteurs s’appuient sur un domaine, celui des transports, qui constitue un objet d’étude privilégié au sein de la science économique. Ils prennent trois exemples :
– celui du marché des transports de marchandises, relativement bien étudié par les économistes mais dont les recommandations achoppent sur des obstacles tenant aux jeux des acteurs, à leur crispation sur des positions acquises, nuisibles pourtant aussi bien à l’intérêt collectif qu’à leurs intérêts respectifs à long terme ;
– celui de la gestion des infrastructures de transport urbain où, là encore, » l’expert » se heurte à l’inertie des organismes qui luttent pour leur survie et la défense de leurs prérogatives ;
– celui enfin du contrôle de la mobilité urbaine dont l’étude est particulièrement délicate et n’aboutit pas à des recommandations consensuelles, lesquelles, une fois encore, se heurtent à la fragmentation des acteurs obéissant chacun à une logique propre.
Économistes des transports, Émile Quinet et Bernard Walliser se plaindraient-ils seulement que leurs recommandations ne soient point suivies ? Non, ils commencent par faire l’autocritique de leur discipline. » La réalité est caractérisée par une diversité que les modèles traduisent mal : toutes les situations sont particulières, il n’y a pas d’usager moyen, il n’y a pas d’entreprise représentative ou de coût standard. » Les mesures que nous recommandons sont trop » aveugles et maladroites, elles n’atteignent pas leur but « . Nous ne prenons pas assez en compte, en particulier, les jeux d’acteurs.
Finalement, les auteurs proposent quelques pistes de progrès pour la science économique. Mais ils demeurent sans illusions : les économistes recommandent le changement. Pour qu’il se concrétise, il faut que leurs recommandations rencontrent la volonté des décideurs. Mais ces économistes n’ont pas le pouvoir de la créer…
À quoi bon l'économie ? De l'économie à la politique : l'exemple des transports
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 264, mai 2001