Julien Damon, sociologue et proche collaborateur de Futuribles depuis de nombreuses années, signe un article pour la fondation Jean Jaurès sur la lutte contre le coronavirus dans les bidonvilles, et les conditions d’application des mesures de quarantaine et de confinement dans ces espaces particuliers.
« Comment permettre la distanciation sociale dans la proximité spatiale ? »
Vivre dans un bidonville, explique Julien Damon, c’est manquer d’au moins l’une des aménités suivantes : un logement durable (c’est-à-dire permanent et résistant à des conditions climatiques extrêmes), une surface de vie suffisante (pas plus de trois personnes par pièce), un accès à l’eau potable, un accès aux services sanitaires, un logement stable (c’est-à-dire dont les occupants ne sont pas menacés d’expulsion). Difficile, dans ces conditions, d’appliquer les désormais célèbres gestes barrières.
Selon l’Organisation des Nations unies, les bidonvilles compteraient aujourd’hui (chiffres de mars 2020) un milliard d’habitants, soit un huitième de la planète. Dans son article, Julien Damon détaille la situation de quatre bidonvilles au temps du coronavirus : Dharavi, au cœur de Mumbai, qui s’étale sur 250 hectares avec 400 000 individus au kilomètre carré ; Kibera, au sud de Nairobi (connu comme le plus grand bidonville d’Afrique) ; Khayelitsha, qui s’étend sur plusieurs kilomètres de long, à l’est du Cap ; et Rocinha, l’une des plus célèbres favelas de Rio.
Les bidonvilles post-covid-19 ? Comme avant mais en pire…
Pour le moment et contre toute attente, les pays en développement semblent moins touchés par l’épidémie. Au 25 avril 2020, on dénombrerait 27 000 cas en Inde, 4 500 en Afrique du Sud, 59 000 au Brésil, moins de 400 au Kenya… Ces affirmations sont à relativiser puisque les données sur le nombre de personnes touchées sont assez peu disponibles et souvent discutables. Par ailleurs, ces pays ont été touchés plus tard par l’épidémie et le pic de la crise n’est sans doute pas passé. Il n’en demeure pas moins qu’ils sont globalement moins touchés pour différentes raisons : une espérance de vie plus faible et donc moins de personnes âgées dans la population, la mise en place précoce de mesures de confinement, les habitudes prises avec les épidémies passées (Ebola, peste…).
Une question se pose toutefois : jusqu’à quand les mesures de confinement peuvent-elles durer sans que l’on assiste à des pénuries alimentaires voire au déclenchement de famines ? Les habitants des bidonvilles sont « davantage victimes du confinement que du Covid-19 », écrit Julien Damon et alors que, ces dernières années, les conditions de vie dans les bidonvilles s’étaient améliorées, elles risquent de subir une nette dégradation suite au coronavirus avec une diminution des subventions publiques et une augmentation du poids de l’économie informelle et illégale.