La question de la survie de l’humanité, dans le contexte actuel de changement climatique et d’épuisement de nos ressources, revient régulièrement (cf. Jared Diamond, Joseph Tainter, André Lebeau…). Futuribles y a fait écho à plusieurs reprises (y compris dans son précédent numéro, n° 404, par la voix de Pierre Bonnaure posant la question des perspectives à long terme de notre civilisation). C’est cette fois au travers d’une analyse sur longue période, tenant compte de la dynamique des systèmes vivants (végétaux, animaux, humains), que Thierry Gaudin aborde le sujet.
L’auteur s’intéresse ici à l’estimation de la probabilité qu’un événement se produise, et donc aux vertus et aux limites de tout exercice d’anticipation. Il rappelle que le propre des systèmes vivants est d’évoluer selon une logique qui n’emprunte ni complètement au hasard ni totalement au déterminisme, mais se situe à mi-chemin entre l’ordre et le désordre. Il souligne ainsi le poids des surprises et des émotions ainsi que leur influence sur nos représentations du monde (« les cygnes noirs » de Nassim Taleb), et montre que la propension des systèmes vivants à se réorganiser lorsqu’ils sont stimulés par des informations non prévues est déterminante pour leur maintien en vie, mais qu’elle limite inévitablement nos capacités d’anticipation.
Ayant ainsi souligné l’utilité d’une part de désordre indispensable à la vie, Thierry Gaudin montre ensuite combien les multiples crises qui frappent notre planète depuis plus d’un demi-siècle témoignent des limites d’un système dont les rouages sont grippés par un modèle de gouvernance dicté par une logique monétaire unique. Dressant un parallèle avec la situation prévalant en Europe à la fin du Moyen Âge, il en conclut que cette structuration est en passe d’atteindre une limite au-delà de laquelle l’effondrement et le déclin semblent inévitables – à moins de remettre les biens communs au cœur de nos institutions et de diversifier la création monétaire.