D’aucuns verront peut-être dans ce livre une énième querelle de démographes. Mais cet ouvrage ne saurait se résumer à un règlement de comptes. Ce qu’il décrit, c’est le consensus implicite auquel adhère une majorité de chercheurs, journalistes et hommes politiques, consensus qui justifie approximations, cécité volontaire, voire mensonges…, pour la bonne cause. Pour « ne pas faire le jeu de », pour ne pas être accusé de « jouer sur les peurs », par souci du « bon goût », on est amené à occulter certains faits ou à présenter des analyses pour le moins biaisées qui passeront pourtant comme une lettre à la poste.
Pour cette « élite du bon goût », l’immigration est une chance. Si ce n’est pas une chance, c’est du moins un phénomène d’ampleur modeste, qui ne saurait transformer en profondeur la société d’accueil. Et si, finalement, la transformation est plus profonde qu’envisagé, c’est qu’elle est en fait inéluctable et s’impose à nous comme la gravité aux objets pesants. Valorisation, minimisation, naturalisation du phénomène migratoire : telles sont donc les figures imposées à qui souhaite s’intéresser à l’immigration en France sans être embêté. Seulement voilà, aux figures imposées, Michèle Tribalat préfère le programme libre.
Lorsqu’en 1995 elle publie Faire France [1], à partir d’une analyse de l’enquête statistique « Mobilité géographique et insertion sociale »,...
