Georges Corm analyse, dans ce forum, ce qu’il appelle » la vision binaire » du monde consistant à opposer Orient et Occident. Il montre en premier lieu que la fin de la guerre froide n’a pas mis un terme définitif à l’antagonisme de blocs que le monde a connu de 1945 à 1990. Coexistent aujourd’hui, selon l’auteur, deux mondes (l’un pro-occidental et proche d’Israël, le monde » euro-atlantique » ; l’autre plutôt proarabe, le monde » méditerranéo-asiatique « ), séparés par une ligne de fracture majeure donnant lieu à des guerres à la fois froide (affaire du nucléaire iranien) et chaudes (interventions occidentales en Irak et Afghanistan, par exemple).
Selon lui, ce nouvel affrontement entre blocs » civilisationnels » émane de cinq sources principales : la » lutte contre le terrorisme » qu’il tâche d’analyser avec certain recul critique, en particulier à l’égard des États-Unis ; une certaine inclination à vouloir dominer le monde de la part des États-Unis, non contrariée par des alliés européens un peu naïfs ; un monde méditerranéo-asiatique dont on surévalue beaucoup trop la capacité de nuisance, notamment parce qu’il est loin d’une quelconque unité ; la situation israélo-palestinienne qui, dans les faits, paraît désormais difficile à débloquer (impossible construction d’un État palestinien) ; enfin, la mise à l’index de l’Iran comme source potentielle de conflagration régionale, alors même que les États-Unis ont sciemment laissé passer l’occasion d’une normalisation avec ce pays.
Partant de ce diagnostic, Georges Corm dessine quelques scénarios d’évolution possible au plan géopolitique, assez pessimistes dans l’ensemble, telle l’hypothèse d’une guerre généralisée entre le bloc euro-atlantique et une coalition menée par l’Iran avec le soutien, plus ou moins ouvert, de la Russie et de la Chine. Pour éviter une telle perspective, il est indispensable, nous dit Georges Corm, de désamorcer la politique de blocs qui risque de reproduire le schéma des deux premières guerres mondiales ; cela passe, notamment, par une application sans dérogation des règles de droit international, seul moyen d’apaiser les » imaginaires enflammés « .
La fracture Orient / Occident. Une vision binaire et explosive du monde
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 332, juil.-août 2007