La mondialisation de l’économie – toute différente des processus d’internationalisation et de multinationalisation – sonnerait-elle le glas de l’espace national ? Véritables locomotives de cette évolution, les entreprises « faisant et refaisant le monde » devenant du même coup les véritables instruments de « gouvernance » au détriment des États, réduits à un rôle de « suiveur » ?
Pas du tout rétorque R. Petrella. S’il est vrai que les entreprises, par un intense jeu d’alliances, tendent à constituer de gigantesques structures oligopolistiques à l’échelle mondiale, qui échappent aux normes nationales, force est également de constater que s’instaure entre elles et les États une alliance nouvelle.
Car, dans la compétition internationale actuelle, les entreprises ont besoin du soutien des États qui, assurant à leurs « champions » les meilleures conditions de développement, font de ces derniers les meilleurs garants de l’indépendance nationale.
Mais cette alliance entre les entreprises mondialisées et les États « locaux » est lourde de conséquences, l’entreprise acquérant notamment une légitimité toute nouvelle, proche de celle jadis réservée aux États, tandis que ces derniers, autrefois « au-dessus de la mêlée », se trouvent engagés de plein fouet dans la compétition économique mondiale à laquelle manquent singulièrement des procédures adéquates de régulation. En outre s’opère une dissociation croissante entre le pouvoir économique mondialisé et le pouvoir politique enserré dans d’étroites frontières nationales, de sorte qu’échappent de plus en plus au contrôle démocratique les acteurs principaux du développement. Il faut donc, souligne R. Petrella, inventer de nouvelles procédures de régulation qui évitent que les acteurs porteurs d’intérêts particuliers imposent leurs lois aux acteurs porteurs de l’intérêt public et, pour ce faire, encourager l’émergence d’une société civile transnationale capable en effet de se mobiliser face aux problèmes mondiaux économiques, technologiques mais aussi environnementaux.
La mondialisation de la technologie et de l'économie. Une (hypo)thèse prospective
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 135, sept. 1989