Le Moyen-Orient et la Méditerranée sont aux portes de l’Europe, et les bouleversements qui les traversent agissent sur le Vieux Continent telle une onde de choc, alertait déjà Gilles Kepel dans Sortir du chaos [1]. Aujourd’hui, l’accélération des événements de part et d’autre de Mare Nostrum pose de tels défis qu’il a jugé nécessaire, pour la première fois, d’écrire « à chaud ». Ainsi est né Le Prophète et la pandémie.
De fait, la crise sanitaire et la chute du cours des hydrocarbures ont accentué les facteurs de déstabilisation de la région que l’auteur avait déjà identifiés dans son précédent ouvrage : désagrégation du bloc sunnite, crise de l’islamisme politique, contraction d’alliances contre nature et par essence volatiles, montée des puissances régionales… Et il faut l’expertise géopolitique, la connaissance du monde arabe et la pédagogie de Gilles Kepel pour resituer les événements dans leur contexte, les inscrire dans l’Histoire, comprendre les stratégies des acteurs et la force symbolique de leurs actes, en appréhender la portée jusque dans les villes européennes, où un « jihadisme d’atmosphère » incite de jeunes « exaltés » au meurtre.
Peut-être parce qu’elle est un pont entre le Moyen-Orient et l’Europe, sans doute parce qu&rsqu...