L’effondrement est généralement défini comme la réduction rapide et durable de la complexité, voire de la population d’une société (Jared Diamond, Joseph Tainter) ; Yves Cochet, pour sa part, évoque une situation dans laquelle « les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, mobilité, sécurité) ne sont plus fournis à une majorité de la population par des services encadrés par la loi [1] ».
La crainte de l’effondrement est liée à la conjonction d’un ensemble de processus en cours et au risque de franchissement de seuils critiques. Les déterminants sont multiples : difficulté à se passer d’une énergie fossile en voie de raréfaction, mais sur laquelle tout notre système social, économique et productif est conçu, impossibilité d’interrompre une mécanique d’émission de gaz à effet de serre activant des boucles de rétroactions et menant à une trajectoire de fort réchauffement, extinctions massives, mais aussi instabilités sociales liées à l’interdépendance de systèmes trop complexes ou à des représentations et valeurs collectives inadaptées à l’ampleur de notre impact sur le globe.
Épisodique jusqu’en 2015, la publication d’articles ou la diffusion d’émissions consacrées au thème de l’effondrement connaît une accélération en 2018 [2] à la suite d’un ensemble de phénomènes (canicule, catastrophes naturelles, appels, pétitions [3], etc.). Ainsi, le terme effondrement a été utilisé par le Premier ministre français Édouard Philippe lui-même lors d’une discussion avec Nicolas Hulot [4]. Une telle publicité est-elle le prélude à une diffusion sociale plus large de la préoccupation de l’effondrement ? Les moments fondateurs de l’institution du catastrophisme en France sont la création par Vincent Mignerot du groupe Facebook Transition 2030 et de l’association Adrastia [5] puis la publication en 2015 du best-seller de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer ? [6]
Le terme « collapsologie », forgé à cette occasion, connaît depuis une certaine audience. La question de l’effondrement est traditionnellement posée par trois communautés aux interactions de plus en plus complexes. 1) Les chercheurs, en particulier climatologues, s’inscrivent dans une tradition scientifique remontant au rapport Meadows [7], parfois élargie à la bioéconomie de Nicholas Georgescu-Roegen ou aux spéculations de François Roddier sur l&rsquo...