La Covid-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie sont les deux exemples les plus récents de la nécessité d’anticiper les crises afin de mieux les aborder lorsqu’elles surviennent. De plus en plus de gouvernements cherchent donc à améliorer leurs techniques de renseignement et, comme l’évoque cet article du Guardian paru en septembre 2022, il semblerait que la détection et l’utilisation des superprévisionnistes figurent parmi les techniques en vogue.
Qui sont les superprévisionnistes ?
Les superprévisionnistes (superforecasters) ont été mis en lumière par Philip Tetlock et Dan Gardner dans leur ouvrage Superforecasting: The Art and Science of Prediction (New York : Crown, 2015). Dans un article paru en mars 2016 dans la revue Futuribles, Charles du Granrut analysait ce livre et rappelait les caractéristiques de ces génies de l’anticipation.
Tout a commencé aux États-Unis : suite au choc du 11 septembre 2001, l’Intelligence Advanced Research Projects Activity (IARPA) a organisé une compétition pendant cinq ans afin de déterminer les facteurs permettant de réduire les biais et d’améliorer l’exactitude des prévisions probabilistes relatives à des événements géopolitiques. Ce tournoi a permis de révéler ce que les auteurs ont qualifié de superprévisionnistes, capables de répondre aux questions posées sur les événements géopolitiques avec une réussite étonnante, et même d’améliorer leur performance avec le temps. Ils se sont donc intéressés aux caractéristiques de ces superforecasters et, selon eux, les superprévisionnistes ne sont pas dotés d’une intelligence exceptionnelle mais sont humbles, ouverts et curieux. Ils ont la faculté de penser rapidement, de se souvenir de l’information, de l’analyser : ils ont une vision panoramique de la réalité car l’information est souvent très dispersée. Ils ont la capacité de raisonner et de résoudre les problèmes indépendamment des connaissances acquises et de leur idéologie.
Depuis la sortie du livre, de nombreuses initiatives visant à détecter les superforecasters ont vu le jour. Ainsi, depuis avril 2020, le gouvernement britannique a lancé le « Cosmic Bazaar », l’un des plus grands tournois de prévisions au monde. Les États-Unis envisageraient de mettre en place une plate-forme similaire pour améliorer leurs techniques de renseignement et des organisations non gouvernementales ont eu recours aux superforecasters pour anticiper les crises humanitaires.
Charles du Granrut nous mettait toutefois déjà en garde en 2016, car si cette technique offre des pistes de réflexion quant à la manière d’effectuer des prévisions et la preuve que les experts d’un sujet ne sont pas toujours les mieux placés pour en prédire l’avenir, elle peut conduire à penser que la compréhension des phénomènes géopolitiques ou socio-économiques peut s’appuyer sur des modèles relativement simples, l’identification de quelques variables et l’analyse du stock de connaissances disponible sur Internet.
