Depuis une vingtaine d’années, la société est marquée par un essor très net des croyances parallèles. Guy Michelat analyse ce phénomène à partir d’enquêtes qu’il a menées avec Daniel Boy, et met en lumière plusieurs constatations.
Les femmes, nous dit-il, sont plus croyantes que les hommes ; plus on est jeune, plus on croit au paranormal ; et, contrairement à l’astrologie, les croyances au paranormal ne sont pas rares parmi ceux qui ont fait des études supérieures.
Par ailleurs, si 81 % des Français estiment que le développement de la science entraîne le progrès, 51 % approuvent l’idée qu’il y a des réalités que la science ne parviendra jamais à expliquer. Pour beaucoup, les parasciences deviendront sciences demain. Il y a un désir, d’une part, de légitimer le surnaturel par la science et, d’autre part, de cultiver le charme et le mystère des croyances parallèles.
Ensuite, si le recul du catholicisme accompagne l’augmentation des croyances au paranormal, celles-ci ne s’opposent pas aux croyances religieuses, et sont même plus fréquentes chez ceux qui reconnaissent l’existence de Dieu et celle d’un au-delà après la mort.
Enfin, en espérant une vérification rationnelle, l’individu a recours à des croyances parascientifiques, effet pervers de la modernité et de la diffusion de l’idéologie du progrès. Cette science enchantée, éloignée de la rigueur scientifique, apaise les angoisses liées à la mort, et apporte une cohérence psychologique et affective. En situation d’anomie, qui entraîne précarité, mauvaise insertion professionnelle et sociale, crainte du lendemain, solitude affective, l’homme a d’autant plus recours au paranormal.
En conclusion, nous dit Guy Michelat, alors que les collectifs » prêts à penser » se fragilisent et que les repères habituels se dégradent, la part de liberté de l’homme augmentant (et par là son anxiété), il cherche des réponses personnelles, substitut des grands systèmes traditionnels.
L'essor des croyances parallèles
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 260, jan. 2001