Jean-Jacques Salomon dénonce ici avec vigueur le mépris avec lequel est traitée, en France, la recherche scientifique ; il dénonce son manque de moyens et les dangers que cela présente pour l’avenir à moyen et à long terme. Mais il va plus loin et propose un véritable plan pour relancer la recherche, le développement et l’innovation, en soulignant qu’il ne suffit point de lui allouer plus d’argent mais qu’il faut aussi réformer en profondeur l’organisation de la recherche ainsi, du reste, que le modèle français d’éducation.
La recherche est mal aimée des gouvernants, affirme l’auteur, qui souligne que ses bienfaits, pour importants qu’ils soient à moyen et à long terme, sont moins rentables économiquement et politiquement que d’autres activités (celles des restaurateurs, buralistes et viticulteurs, par exemple). Seuls le général de Gaulle et François Mitterrand, lors de sa première magistrature, en ont saisi l’importance. Depuis lors, elle n’a suscité que mépris, alors même qu’elle est devenue de plus en plus essentielle à la préparation du futur.
Il faut d’abord engager un vrai effort financier en sa faveur et Jean-Jacques Salomon propose ici des pistes pour dégager les moyens nécessaires. Mais il faut aussi s’attaquer avec vigueur aux problèmes institutionnels et structurels d’un système qui, aujourd’hui, est très largement inadapté aux circonstances.
L’auteur distingue, tout en soulignant leur complémentarité, deux régimes de recherche (celui, disons, de la recherche fondamentale et celui de la recherche appliquée), en montrant combien il est essentiel d’en revoir l’organisation, les modalités de financement et de gestion. Il milite pour une réforme profonde du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et des autres établissements publics, pour l’instauration d’une » fondation nationale de la science » et, incidemment, pour une intégration étroite de la recherche et de l’Université (une vingtaine d’universités au maximum vouées à la recherche).
Ainsi plaide-t-il pour une transformation en profondeur du système éducatif français, en distinguant plus nettement les formations professionnelles, qu’il faut réhabiliter, des filières d’enseignement supérieur et de recherche, qu’il faut promouvoir… Son texte est parsemé de recommandations particulièrement bienvenues en cette période troublée que traverse, au demeurant depuis longtemps, le système français de recherche et d’innovation. Peut-être feront-elles hurler ou sourire ; elles ont le mérite de susciter le débat.
Misère de la recherche en France. Pour une politique de la science et de la technologie : voies et moyens à la mesure des nouveaux enjeux
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 298, juin 2004