Cette année 2016 marque le 500e anniversaire de la parution du livre de Thomas More Utopia, qui donna naissance au mot « utopie » et renoua avec un genre littéraire initié par Platon : la description, avec un grand souci du détail, d’une société jugée idéale par son auteur. Très prisée, notamment en Europe à partir du XVIIe siècle, cette utopie de More essaima et de nombreux auteurs s’essayèrent à leur tour, dans les siècles suivants, à des propositions utopiques appliquées, pour la plupart d’entre elles, à l’échelle de territoires restreints. Ces pensées utopiques ont fortement contribué à nourrir les visions de cités jugées souhaitables par les acteurs politiques et les urbanistes des XIXe et XXe siècles, comme le rappelle ici Jean Haëntjens.
Après une longue période de « silence utopique », qui a eu pour conséquence un non-renouvellement des pensées sur la ville dans la deuxième moitié du XXe siècle, nous voyons, depuis quelques années, foisonner des innovations urbaines s’apparentant, par de nombreux côtés, à des démarches utopiques. C’est pourquoi la revue Futuribles a décidé de faire le point, dans ce numéro, sur les relations complexes entre pensées utopiques et politiques urbaines.
Jean Haëntjens ouvre ce dossier en rappelant, dans un premier temps, les complicités historiques entre utopistes et urbanistes, les différents âges de la pensée utopique, et la façon dont les urbanistes et architectes se sont approprié ces utopies pour modifier le paysage urbain. Il montre également les évolutions en cours depuis les années 1970 et, en particulier, l’émergence de nouvelles propositions urbaines, utopiques ou assimilées, émanant non pas de théoriciens visionnaires mais, de plus en plus, d’associations, de collectivités, d’entreprises ou de citoyens décidant de prendre l’avenir de leur ville en main. Ce sont ces initiatives, ces nouvelles utopies urbaines, qui sont présentées dans ce numéro, avec, en filigrane, cette question?: permettront-elles de répondre aux formidables défis posés par l’accueil de trois milliards de nouveaux urbains d’ici 2050??