Rétrospective critique sur un demi-siècle de prévisions économiques
Analyse de rapport
Lu, vu, entendu
1 octobre 2005
114 pages
Avertissement
Dans une précédente livraison (TRP n°20. mars 2004), François Plassard avait montré combien les exercices de prospective sont souvent soumis aux préjugés de l’époque à laquelle ils sont menés. Fort d’une longue expérience acquise au Commissariat général
du Plan ainsi qu’au Centre d’Etudes des Revenus et des Coûts (CERC), Philippe Madinier contribue à son tour à cette analyse critique des travaux d’anticipation en s’attaquant aux prévisions économiques publiques, et plus particulièrement à celles en
matière de structure de l’emploi.
Sur une période de près de 50 ans (1950-2000), l’auteur constate l’aspect systématique, et persistant dans le temps, des erreurs de prévision. Elles ont été, tout d’abord, globales, touchant aussi bien la production, la productivité et l’emploi que la population
active, le chômage et le taux d’activité. Leurs sens (surestimation ou sous-estimation) ont été différents selon les périodes et les pays. Un point commun cependant : la sousestimation du taux d’activité des femmes.
En matière d’emploi, indépendamment de la période et du pays, les perspectives d’évolution ont été à la fois surestimées dans l’industrie et sous-estimées dans le tertiaire. Philippe Madinier livre, de façon détaillée et argumentée, plusieurs explications. Certaines sont « objectives » : la propension des entreprises industrielles à externaliser ou la difficulté d’évaluer le niveau de consommation des ménages. D’autres explications ont un caractère proprement idéologique ou politique : une surestimation
régulière de la productivité dans les activités de service, la méconnaissance, voire le dédain de ces activités, les croyances les plus dures dans l’industrie comme moteur unique de la croissance ou, encore, l’évident malthusianisme des « petits ».
Une explication retient particulièrement l’attention du prospectiviste : les pièges de l’extrapolation, qu’ils proviennent soit d’une connaissance inexacte du passé, soit de l’incapacité à prendre en compte d’éventuelles ruptures. C’est bien là la différence entre
prévision et prospective. Déjà, en 1973, Pierre Massé se demandait « si sa vocation pour l’incertain ne condamnait pas la Prospective à être, par nature, non pas une discipline, mais une indiscipline remettant en cause la prévision sommaire et
dangereuse à base d’extrapolation. » (« De ‘Prospective’ à ‘Prospectives’, Prospectives, n°l. juin 1973).