Pierre Musso montre ici, en analysant la pensée du comte Claude-Henri de Saint-Simon (1760-1825), que ce dernier figure sans aucun doute parmi les précurseurs de la discipline prospective. En effet, contrairement à ce que d’aucuns ont pu conclure de ses écrits, Saint-Simon ne doit pas être inscrit dans les rangs des utopistes du XIXe siècle (tel Proudhon), mais bien dans ceux des prospectivistes avant l’heure.
Par la démarche prospective qu’il élabore au fil de ses nombreux écrits (de 1802 jusqu’à sa mort), le philosophe entend développer une » science politique « , c’est-à-dire laïciser le politique en pensant l’avenir comme l’espace potentiel de réalisation d’un » paradis terrestre « , qui remplacerait le paradis céleste préconisé par le christianisme. Sa méthode consiste à regarder le plus loin en arrière (rétrospective) pour se projeter le plus loin possible en avant, en prenant conscience que » l’âge d’or du genre humain n’est point derrière nous, il est au-devant, […] dans la perfection de l’ordre social « .
Pierre Musso décline, dans ce futur d’antan, les quatre principes majeurs par lesquels Saint-Simon introduit à une pensée prospective moderne :
1) la prospective lie avenir et action ; 2) elle n’est ni utopie ni simple prolongement du présent ; 3) elle dessine un futur maîtrisable ; 4) pour y parvenir, l’outil » vigie » est essentiel.
Saint-Simon, pionnier de la prospective ?
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 288, juil.-août 2003