On a beaucoup parlé de l’émergence du » social « , de son effet d’entraînement ou de frein par rapport à d’autres facteurs d’évolution à caractère plus » technique « . Et de fait a-t-on pris conscience, particulièrement depuis quelques années, du pouvoir qu’exercent les acteurs sociaux et de la difficulté de prédire leur comportement, notamment lorsque celui-ci n’obéit plus aux logiques passées. D’où une attention toute particulière portée à la prospective sociale, exercice d’autant plus nécessaire que l’incertitude s’accroît, exercice qui exige une rigueur d’autant plus grande que l’idéologie volontiers s’y déploit.
Changement ou continuité. Autour de ces deux termes, que n’avons-nous pas entendu ? Avec d’un côté ceux qui affirment – preuve à l’appui – que rien ne change et que les Français sont plus que jamais attachés aux formes d’existence d’une société industrielle qui, malgré la crise, ne cesse de progresser. Et de l’autre, ceux qui proclament la fin de la famille et de l’emploi, brodent sur l’émergence d’autres croyances, d’autres attitudes, d’autres aspirations. Sans parler ici de ceux – fuyant les grandes envolées – qui prennent prétexte de l’éclatement de la société française pour se plonger dans l’analyse fine de telle micro-société.
Qu’en est-il exactement de l’évolution des modes de vie, des opinions, des aspirations d’une population confrontée à l’exigence du changement, et affectant elle-même de vouloir en être l’artisan ?
Afin de faire le point sur l’évolution des conditions de vie et des aspirations des Français, l’Association Internationale Futuribles a organisé, le 8 novembre 1983, un séminaire de prospective sociale qui réunissait les responsables des principaux centres d’observation et d’analyse du changement social.
Compte tenu du vif intérêt suscité par cette initiative, nous publierons au fil des mois prochains une série d’articles exposant les méthodes utilisées et les principaux résultats enregistrés par les centres de recherche spécialisés dans l’analyse du changement social.
Eric Stemmelen ouvre la série en présentant ici la démarche adoptée par l’Association pour l’Étude des Structures de l’Opinion Publique (AESOP). Vous trouverez dans les prochains numéros de Futuribles une présentation des travaux de l’INSEE sur l’évolution des conditions de vie, du CCA (Bernard Cathelat) sur les styles de vie, ainsi que bien d’autres contributions portant sur l’évolution des mode de vie, des attitudes et des aspirations des populations.