INSTITUT INTERNATIONAL D’ÉTUDES SOCIALES
DE L’OIT, OIT (Organisation internationale du travail), « World of Work Report 2013: Repairing the Economic and Social Fabric », OIT, 2013, 119 p.
Le rapport annuel de l’Institut international d’études sociales du Bureau international du travail (BIT) part d’un constat assez contrasté des effets la crise économique et financière mondiale sur l’emploi, la distribution des revenus et la croissance économique dans diverses régions du monde. Alors que la majorité des économies émergentes et en développement ont enregistré une croissance de l’emploi et une légère réduction des inégalités de revenus (dont le niveau reste néanmoins élevé), la situation dans les économies avancées est plus contrastée. Quelques pays ont pu regagner une partie des emplois perdus – notamment l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et la Corée du Sud -, et des signes de reprise ont été détectés aux États-Unis et au Japon, mais l’Europe, à quelques rares exceptions près, doit encore faire face à des défis économiques considérables (déficits et dettes publics, baisse de compétitivité), alors que ses perspectives sociales et de marché du travail continuent à se détériorer.
On s’attend à ce que le chômage affecte quelque 208 millions de personnes dans le monde en 2015, contre 201,5 millions actuellement, et à ce que les déséquilibres persistants du marché du travail restent préoccupants – en particulier la présence importante de l’emploi informel dans les économies en développement, et le chômage de longue durée dans les économies avancées.
Dans ce contexte, il importe de poursuivre des politiques économiques et sociales qui permettent de consolider les gains d’emplois réalisés là où la reprise est en cours, et de stimuler la création d’emplois dans les économies sévèrement affaiblies par la crise. À cette fin, le rapport passe en revue diverses politiques macroéconomiques.
Dans les économies émergentes et en développement, il importe de poursuivre l’effort de réorientation de la croissance économique vers la demande intérieure, en renforçant les investissements dans des grands projets d’infrastructure, susceptibles de faciliter la transition vers l’emploi formel, d’étendre la couverture sociale et d’augmenter les revenus du travail, en s’assurant qu’ils progressent au même rythme que le gain de productivité. Une attention particulière doit être accordée à l’établissement de salaires minima bien calibrés. Ceux-ci constituent en effet un socle de revenus pour les travailleurs formels et informels, permettant de surmonter le piège de la faible productivité et d’étendre la protection sociale qui, à son tour, améliore le bien-être des travailleurs et de leurs familles, et accroît leur demande. Il importe de veiller à fixer les salaires minima à un niveau qui ne décourage pas la création d’emplois formels.
De telles politiques sont susceptibles de faciliter la résorption du sous-emploi, très répandu dans la plupart de ces économies émergentes, de stimuler la croissance à court terme et, in fine, de consolider l’émergence d’une large classe moyenne. Cette évolution est d’autant plus souhaitable que ces pays ne peuvent plus compter sur le rythme de croissance des exportations vers les économies avancées des deux décennies précédant la crise. Or, note le rapport, sur 151 pays pour lesquels on dispose d’informations, la moitié n’a pas de système général contraignant de salaire minimum, et là où il existe, sa mise en œuvre laisse souvent à désirer.
Quant aux économies avancées, le premier défi est de stimuler la création d’emplois et de corriger les déséquilibres macroéconomiques, afin d’assurer une relance économique durable et « inclusive ». En effet, le chômage de longue durée, l’incidence croissante de la pauvreté et des inégalités des revenus, comme l’assèchement du crédit aux petites et moyennes entreprises sont nécessaires pour relancer l’investissement productif, l’emploi et… la demande. Cela requiert, outre une politique active de relance de l’emploi et de la protection sociale : la consolidation de la politique fiscale, l’élargissement de l’assiette d’imposition pour ne pas pénaliser de façon disproportionnée les salariés et l’investissement productif, mais aussi une réforme du système bancaire pour réduire les risques systémiques et relancer son rôle de distributeur de crédits à l’économie réelle pour l’investissement productif. À cet égard, le rapport indique que les profits des marchés financiers et des grandes entreprises ont rebondi dans une majorité des pays, dépassant leur niveau d’avant-crise, mais ils n’ont que peu servi à l’investissement productif, allant plutôt vers la trésorerie des entreprises ou la rémunération des dirigeants des grandes entreprises et les actionnaires. Les pouvoirs publics devraient prévoir des mesures qui stimulent les investissements privés.
Enfin, les mesures d’austérité, le chômage de longue durée, la difficulté de trouver un emploi et l’inadéquation entre emplois et qualifications, ainsi que le manque de perspectives d’amélioration de la situation globale constituent une source de frustration qui risque d’aggraver et d’accroître les conflits sociaux. Il est grand temps que les pouvoirs publics y accordent l’attention requise. Et ce rapport comporte diverses suggestions et approches à leur égard.