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Un automne à haut risque

Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 451, nov.-déc. 2022

Le précédent numéro de la revue Futuribles, s’appuyant sur les dernières projections de population pour la France, montrait que le vieillissement, appréhendé à l’aune de la part des 65 ans ou plus dans cette population, pourrait être bien plus prononcé que prévu. Alain Parant soulignait d’ailleurs, outre la dérive gérontocratique, que cela risquait de se traduire par un accroissement des dépenses sociales alors que la part de la population active (15-64 ans) serait déclinante. Faut-il donc craindre que le système de protection sociale français ne puisse pas faire face aux dépenses liées à cette tendance ?

L’article de Pierre-Yves Cusset publié dans ce numéro apporte un éclairage très utile sur le sujet. Il montre que, en conservant le niveau de dépenses et de recettes par habitant à chaque âge tel qu’observé en 2019, ce vieillissement prévu dans le scénario central des projections à l’horizon 2040, entraînerait une dépense de 100 milliards d’euros en plus pour la protection sociale et 20 milliards d’euros de recettes en moins. Cet exercice témoigne d’une pression très forte sur un système de protection sociale (dont les dépenses s’élevaient à 762 milliards en 2019), pression cependant équivalente à celle observée au cours des 20 dernières années. Les résultats de cet exercice, bien que très parlants, ne sauraient cependant être comparés aux dernières prévisions du Conseil d’orientation des retraites publiées en septembre. Celles-ci en effet reposent sur des hypothèses différentes en termes de productivité, de croissance économique et de chômage, et montrent que la part des dépenses de retraite dans le produit intérieur brut (14,7 % en 2020) pourrait évoluer de manière très variable à l’horizon 2040, a fortiori 2070. Ces prévisions anticipent une dégradation du ratio actifs/retraités (sans hypothèse sur le taux d’emploi : voir la rubrique « Repères », p. 46) et une croissance moindre des pensions par rapport aux rémunérations.

Il est évident toutefois que de telles prévisions, y compris à cinq ans (âprement débattues à l’Assemblée nationale cet automne), sont liées à bien d’autres facteurs : par exemple, aux gains de productivité toujours attendus du numérique qui – nous allons le voir – soulève des problèmes de sécurité majeurs ; également au succès de la transition écologique, très dépendante des valeurs et des comportements des Français.

Dans son article « Géopolitique de l’espace numérique », Henri d’Agrain montre, pour sa part, comment les notions de frontière, d’identité, de durée, de valeur…, diffèrent dans le cyberespace et dans l’espace physique ; il souligne aussi que le numérique est un instrument de pouvoir majeur entre États et organisations supraétatiques, donc l’objet de confrontations, conflits et menaces. Il pointe la nature des problèmes inédits de sécurité qui affectent les équipements et infrastructures, les logiciels et applications, a fortiori les données et informations. Il illustre son propos en rappelant comment le réseau social TikTok s’est diffusé dans le monde, au profit des autorités chinoises, mais aussi comment les États-Unis, au prétexte de leur sécurité nationale, se sont dotés de moyens extraterritoriaux pour collecter des données de personnes non américaines. Henri d’Agrain montre combien il est donc urgent de mettre en place une stratégie nationale et européenne de cybersécurité pour se protéger contre des pratiques criminelles ou délictueuses qui se sont professionnalisées, industrialisées et mondialisées. Il développe les axes principaux à partir desquels des politiques publiques cohérentes et ambitieuses devraient être adoptées. Jean-François Drevet y sera sensible puisque, évoquant l’alternative entre « avancer ou périr » pour l’Union européenne, il souligne combien l’élargissement de celle-ci exige son approfondissement afin qu’elle puisse devenir une puissance géopolitique.

Notre vigilance ne doit pas exclusivement porter sur les développements scientifiques et techniques, mais aussi sur les acteurs, qu’il s’agisse de personnes ou d’organisations. Sarah Thiriot nous le rappelle à propos d’un autre défi collectif : celui de la transition écologique. D’emblée, elle souligne que « les seules solutions techniques ne permettront pas de limiter le réchauffement climatique » et qu’il convient de « mobiliser l’ensemble de la société » pour éviter que ne se créent de nouvelles inégalités et un « climat politique défavorable ». En complément à l’exercice de prospective de l’Agence de la transition écologique (ADEME) Transition(s) 2050 auquel nous avons fait écho à plusieurs reprises (voir la table des matières 2022, p. 121), elle souligne comment les politiques énergétiques et environnementales sont perçues par les citoyens vivant dans des conditions économiques, sociales et spatiales différentes : ainsi le scénario « Génération frugale » est-il perçu par les uns comme porteur de nouvelles formes de vivre ensemble ; par les autres comme une régression de leur autonomie individuelle. Faute de solution miracle pour concilier ces points de vue, elle nous adresse plusieurs recommandations en vue de susciter une dynamique collective qui tienne compte de cette diversité de situations et d’opinions.

#Cybersécurité #emploi #Retraite #Transition écologique
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